Il y a onze ans, en 2001, c’était la destruction du site bouddhiste de Bâmiyân – classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO -, témoin d’une culture née de la rencontre entre l’Inde bouddhiste et les descendants d’Alexandre le Grand mais dont les Bouddhas géants étaient considérés comme des "idoles impies" aux yeux des Talibans islamistes.
LE SITE DES BOUDDHAS DE BAMIYAN PEUT-IL RENAÎTRE ? CHRONIQUES DU VANDALISME
Aujourd'hui, en 2012, c’est un autre site bouddhiste de l’Afghanistan pré-islamique, Mes Aynak, qui est menacé, dans la plus grande indifférence du pouvoir islamique afghan et d'une grande part de l'opinion internationale. Il se situe dans la province de Logar juste au sud de la province de Kaboul.
En cause, cette fois non pas la rage iconoclaste des Talibans mais les ambitions économiques de la Chine lancée dans le monde entier dans une course aux ressources destinées à alimenter « l’usine du monde » qu’elle est aujourd'hui devenue.
Quelles sont les pièces du dossier ?
1 – Un site archéologique important mais tombé dans l’oubli :
Le sanctuaire bouddhiste de Mes Aynak s’étend sur plus de dix kilomètres carrés en pleine montagne à 2500 mètres d’altitude. Le sanctuaire était situé sur la fameuse Route de la Soie, il fut apparemment un haut lieu de commerce et de pèlerinage.
Mes Aynak est une cité taillée dans la pierre avec des cavernes ornées de sculptures et des œuvres en relief creusées sur le flanc des rochers. Elle recèle d’innombrables trésors archéologiques : des temples, des monastères et des milliers de statues du Bouddha dans des positions multiples.
Les vestiges sont datés entre les 3 et 7èmes siècles. Le site était connu mais avait été délaissé depuis l’époque du gouvernement taliban et il n’avait pas été fouillé systématiquement jusqu’à une date récente.
2 – Un contrat obtenu par la Chine pour l’exploitation d’une mine de cuivre :
En 2007, la China Metallurgical Group Corporation a obtenu la concession du site pour trente ans pour y exploiter une gigantesque mine de cuivre à ciel ouvert. Le groupe a investi 3 milliards $ pour obtenir le marché, il compte obtenir de l’extraction un chiffre d’affaires total de 100 milliards $ .
Alors qu’en 2001 la Chine avait fait partie du groupe nombreux des pays qui avaient tenté de persuader le gouvernement des Talibans d’abandonner leur projet iconoclaste, aujourd'hui les autorités chinoises en charge du dossier affirment qu’elles n’étaient pas au courant de la présence du site archéologique lorsqu’ils ont signé définitivement le contrat. Pourtant on peut supposer qu’avant de mettre 3 milliards de $ sur la table les géologues chinois ont dû examiner le site à la loupe pour s’assurer de sa rentabilité, on voit mal comment ils n’auraient pu voir le site archéologique ou alors archéologues et géologues ne riment vraiment pas. La question d’une dissimulation d’informations est aussi envisageable.
3 – Un début de mobilisation internationale pour sauver le site :
Mais la Chine est soucieuse de son image dans les médias internationaux et ne veut pas être associée à l’image des Talibans destructeurs de Bâmiyân. En 2009 le groupe chinois a donné trois ans aux archéologues pour conduire une fouille de sauvetage sur le site avant sa destruction par les bulldozers.
Des spécialistes considèrent qu’une fouille approfondie du site aurait nécessité 30 saisons annuelles de fouilles.
En tout cas les archéologues se sont mis au travail sous la direction d’une équipe française appuyée par des équipes internationales et afghanes. C’est un travail exténuant dans des conditions climatiques difficiles et dans l’insécurité car le site est régulièrement attaqué par les talibans et par des villageois expulsés, qui s’en prennent aussi bien aux travailleurs chinois qui préparent la mine qu'aux archéologues.
Aussi les 3 années accordées n’ont pas suffit, les fouilles sont largement inachevées. Depuis le printemps 2012, le temps imparti étant écoulé, les archéologues qui ont découvert un peu plus chaque jour la richesse et l’importance du site en appellent à la communauté internationale pour éviter sa destruction définitive.
L’appel provient notamment d’une fondation américaine , l’A.R.C.H. – Alliance for the Restoration of Cultural Heritage – dont un des directeurs culturels est Hamid Naweed, ancien professeur d’histoire de l’Art à l’Université de Kaboul.
L'"Association for the Protection of Afghan Archaeology" milite pour les mêmes objectifs et a lancé une pétition internationale pour la préservation du site de Mes Aynak.
Pour signer la pétition:
Conclusion
Au delà de Mes Aynak c’est aussi tout l’avenir archéologique de l’Afghanistan qui est en question – en particulier de tous les sites préislamiques considérés comme idolâtres -. Nombreux sont les intellectuels et archéologues qui craignent - en raison de l’abondance des richesses naturelles du sous-sol de l’Afghanistan - que des sites, connus ou à découvrir, soient systématiquement détruits au nom de la logique économique.
Ils reçoivent aussi le soutien des forces d’opposition et des écologistes qui dénoncent l’accaparement des richesses par quelques privilégiés et les atteintes profondes à l’environnement provoquées par l’exploitation minière.
Mes Aynak par exemple risque presque certainement de devenir un site inaccessible en raison de sa pollution par les activités minières. Brent Huffman, auteur d’un documentaire sur Mes Aynak affirme : "Les Afghans ne verront aucun bénéfice". ils souffriront d’une dévastation irréversible de l’environnement et de la perte définitive d’un héritage culturel inestimable".
Par un curieux renversement de situation, Mes Aynak fut pendant des années un repaire des talibans qui se cachaient dans les cavernes mais avaient globalement respecté le site.
Mes Aynak vit-il ses dernières heures ?
Une fois encore se pose la question de la destruction du patrimoine mondial de l'Humanité au nom des dogmatismes idéologiques ou religieux et aussi des impératifs économiques.
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Voir des vidéos sur la question :
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=6ZvrJUMkD4Y
http://mannaismayaadventure.com/2012/06/19/mes-aynak-an-ancient-buddhist-monastery/
ET :
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=sz4WKn6QwIQ
Sitographie: