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Commémorations de la 1ère Guerre : 2014 : des « phares de la mémoire » à « l’Anneau de la Mémoire » (1)

Le traumatisme provoqué par les immenses pertes de la 1ère Guerre mondiale a été tel que depuis 1915 la volonté politique et nationale de garder vivante la mémoire des soldats morts sur les divers théâtres d’opération ne s’est jamais démentie.

Les monuments commémoratifs se succédèrent, associant les morts des autres grands conflits dans lesquels la France a été engagée.

11 novembre 2014, alors que la Grande Guerre a commencé il y a plus d’un siècle et que tous les survivants ont disparu,

http://www.hgsavinagiac.com/article-a-la-rencontre-des-derniers-veterans-de-la-1ere-guerre-mondiale-68329892.html

« l’Anneau de la Mémoire » est inauguré par le président de la République, François Hollande, près de la nécropole de Notre Dame de Lorette dans le Pas de Calais. Un siècle après la volonté de commémorer semble toujours vivace mais a-t-elle toujours la même signification ?   

1 – Une volonté précoce de commémorer

Dès le 29 décembre 1915 le Parlement français décréta que tout militaire français ou allié mort avait le droit à une sépulture perpétuelle aux frais  de l'Etat. Le 18 février 1916 fut créé un Service général des pensions et un Service des sépultures. Le 31 juillet 1920 les cimetières militaires devinrent cimetières nationaux avec regroupement des tombes tandis que sur les sites des grandes batailles,  des comités se créaient pour la réalisation de monuments commémoratifs.

Ossuaire provisoire de Douaumont à Verdun et Tour-Lanterne de Notre Dame de Lorette

1 – 1 – A Verdun :

L’âpreté des combats pour le contrôle de Verdun fit que  dès 1916 on avait lancé l'idée d'un mausolée national. Le monument fut conçu à l’initiative du général Valantin, commandant de la place militaire de Verdun et surtout de Mgr Charles Ginisty,  évêque de Verdun. Il prêcha et quêta partout dans le monde pour donner une sépulture digne aux restes des 130 000 soldats non identifiés découverts jour après jour sur le site de Verdun.

« Joseph s'appuie sur moi. Nous descendons dans le ravin. Le talus par lequel nous descendons s'appelle les Alvéoles des Zouaves... Les zouaves de l'attaque de mai avaient commencé à s'y creuser des abris individuels autour desquels ils ont été exterminés. On en voit qui, abattus au bord d'un trou ébauché, tiennent encore leur pelle-bêche dans leurs mains décharnées ou la regardent avec leurs orbites profondes où se racornissent des entrailles d'yeux. La terre est tellement pleine de morts que les éboulements découvrent des hérissements de pieds, de squelettes à demi vêtus et des ossuaires de crânes placés côte à côte sur la paroi abrupte, comme des bocaux de porcelaine. Il y a dans le sol, ici, plusieurs couches de morts, et en beaucoup d'endroits l'affouillement des obus a sorti les plus anciennes et les a disposées et étalées par-dessus les nouvelles. Le fond du ravin est complètement tapissé de débris d'armes, de linge, d'ustensiles. On foule des éclats d'obus, des ferrailles, des pains et même des biscuits échappés des sacs et pas encore dissous par la pluie. Les gamelles, les boîtes de conserves, les casques sont criblés et troués par les balles, on dirait des écumoires de toutes les espèces de formes ; et les piquets disloqués qui subsistent sont pointillés de trous. » (Extrait de « le Feu » d’Henri  Barbusse p.269)

 

Au fort de Douaumont, terrible lieu de bataille,  dès la fin de la guerre un "ossuaire provisoire" avait été établi. Il fut remplacé par l'ossuaire des architectes Léon Azéma         (Grand Prix de Rome), Max Edrey et Jacques Hardy. Nécropole nationale associant les 4 cultes, catholique, protestant, Israélite et musulman. Le monument abrite un cloître  de 137 mètres de long voûté en plein cintre, 018 alvéoles renfermant les 46 sarcophages en granit rose de Perros-Guirec posés sur les fosses d'ossements, éclairés par des vitraux diffusant une lumière or et pourpre. Au dessus de chacun des tombeaux le nom d'un secteur de la défense de Verdun : Mort-Homme, Ravin de la Mort, Bois des Caures...où les corps anonymes ont été trouvés. Les mosaïques du sol sont ornées d'immenses Croix de guerre, Médailles militaires, et Légions d'Honneur. Le cimetière compte 16 142 tombes individuelles de soldats français, dont un carré pour 592 soldats des troupes coloniales. La bataille avait duré à Verdun près de 300 jours.

La première pierre est posée le 22 août 1920 par le Maréchal Pétain,  surnommé le « vainqueur de Verdun », président d'honneur du Comité de l'Ossuaire. L’ossuaire définitif fut inauguré en juin 1929 par le président de la République Gaston Doumergue et par Mgr Ginisty, évêque de Verdun. L’inauguration officielle de tout le site n’eut lieu que le 7 août 1932 par le président de la République Albert Lebrun qui déclara : « C’est ici le cimetière de la France » et salua ceux qui ont eu « la pieuse idée de ce monument, qui porte à son fronton le mot symbolique « Pax » : Paix des morts. Mais on peut espérer que ceux qui dorment ici sont morts aussi pour la paix des vivants. »

A Verdun la statue du "Monument de la Victoire" fut réalisée par le sculpteur breton Jean BOUCHER (auteur de la Statue de Renan à Tréguier).

1 – 2 – A Ablain Saint Nazaire (Pas de Calais) : la nécropole de Notre Dame de Lorette est la plus grande de France

Sur une colline à 165m d’altitude se trouvait avant guerre une chapelle dédiée à Notre Dame de Lorette.  

Un oratoire y avait été  édifié en 1727 par le peintre Florent Guilbert à la suite de sa guérison lors d’un pèlerinage à la Santa Casa de la Vierge Marie à Lorette en Italie.  Il devint un lieu de pèlerinage très prisé par les habitants de la région qui prirent l’habitude de surnommer le lieu  Notre-Dame de Lorette au lieu de son nom géographique de mont Coquaine. Il fut détruit en 1794 pendant la Révolution française, mais les fidèles édifièrent une chapelle de fortune sous un tilleul planté à côté. En 1815, le curé d'Ablain Saint-Nazaire obtint du préfet et de l'évêque d'Arras l'autorisation de reconstruire, aidé par des volontaires, une chapelle mise en service le 8 septembre 1819. Le flot des pèlerins grandissant, l'évêque d'Arras autorisa son extension.

 La chapelle se trouva au cœur des combats qui ravagèrent la colline et elle fut détruite en mai 1915. Des combats sanglants eurent lieu pour le contrôle de cette position stratégique. En un an, 188 000 soldats, dont 100 000 français, sont morts pour défendre ou prendre « l'éperon de Notre-Dame-de-Lorette ».

Immédiatement après guerre, les soldats édifièrent de leurs mains un oratoire provisoire et le site fut retenu pour réunir les dépouilles de soldats provenant de plus de 150 cimetières de l'Artois et des Flandres françaises.  Le cimetière est un vaste espace de 13 ha (645 m d'ouest en est, 200 m du sud au nord). C'est le plus grand cimetière militaire français : 40 058 corps reposent dans des tombes individuelles et des milliers dans huit ossuaires.

La chapelle est de style romano-byzantin en croix latine, les murs sont parés de pierre de Givet reconstituée. Elle mesure 46 mètres de long pour 14 de large, le transept mesure 30 mètres, la coupole à la croisée du transept culmine à 34 mètres de haut.  Elle est l’œuvre de l'architecte lillois Louis-Marie Cordonnier qui a édifié ou restauré plusieurs églises dans le Nord Pas-de-Calais et aussi la célèbre basilique de Lisieux qui montre beaucoup de similitudes avec la chapelle de Notre-Dame de Lorette. 

Le 12 septembre 1920 un projet s'étendant sur 25 hectares fut adopté, soutenu par Mgr Julien, évêque d'Arras. Le monument fut inauguré en 1925 et réalisé sur les plans de l'architecte Louis Cordonnier, de l'Institut auteur du Palais de la Paix à La Haye.

( A  suivre ...)


Commémorations de la 1ère Guerre : 2014 : des « phares de la mémoire » à « l’Anneau de la Mémoire » (2)

Suite de l'article :

http://www.hgsavinagiac.com/2014/11/commemorations-de-la-1ere-guerre-2014-des-phares-de-la-memoire-a-l-anneau-de-la-memoire-1.html

2 - Sur les deux sites de Douaumont et Notre Dame de Lorette sont édifiés des « phares de la Mémoire » :

Les deux monuments de Verdun et de Notre Dame de Lorette ont en commun la présence de deux tours, deux phares émettant la nuit un faisceau de lumière, deux monuments qui interpellent par leur verticalité.

 

§ A Douaumont, la tour, haute de 46 mètres, permet à sa cime une vue panoramique sur les divers lieux d’affrontement de la Bataille de Verdun. Le bourdon de la Victoire en bronze (2300 Kg) manœuvré électriquement, offert par une généreuse Américaine. tinte trois fois par jour et sonne lors des cérémonies importantes. Le phare, surnommé « la lanterne des morts »,  avec  4 feux tournants blancs et rouges d'une portée de 40 Km, éclaire tout le champ de bataille jusqu'à l'horizon. A son pied, le bâtiment de l'ossuaire, lorsqu’on y pénètre, on peut lire en lettres immenses « Silence ! », rappel au respect adressé à chaque visiteur.

 « Sa ligne droite voulue par les Architectes, couronnant le grand Cimetière national de plus de 20 000 tombes de Héros identifiés, symbolise la Digue que les héroïques Défenseurs de Verdun ont opposée avec leurs poitrines à l'avance de l'ennemi. » dit une carte postale imprimée pour lever les fonds nécessaires à la construction. « La nuit est d’encre. Le phare des morts, au-dessus de nous, balaie, de sa clarté crue, l’immense champ de croix de bois. Ils sont là, ceux qui combattirent les uns contre les autres, les uns défendant leur sol, les autres allant au combat pour satisfaire l’orgueil de leurs maîtres » (article paru le 24 septembre 1932 dans la revue hebdomadaire « La voix du combattant », éditée par l’Union Nationale des Combattants.)

§ A la nécropole de Notre Dame de Lorette, la tour-lanterne comme la chapelle sont l'œuvre  de l'architecte lillois Louis-Marie Cordonnier. La construction débuta en 1923 et une première bénédiction eut lieu à la fin du gros-œuvre en mai 1927. Le maître-autel fut consacré le 7 octobre 1931 et la chapelle par Monseigneur Dutoit le 5 septembre 1937.

La tour-lanterne de 52 mètres de haut, sa base forme un carré de 12 mètres de côté est percée de fenêtres non pour faire entrer la lumière dans l’édifice comme dans des églises romanes ou gothiques, mais pour la diffuser à l'extérieur. Pour cela on trouve au sommet un projecteur ou lanterne qui tourne à raison de cinq tours par minute, éclairant les alentours et visible dans un rayon de 70 kilomètres, comme un phare côtier. Elle rappelle le souvenir de milliers de combattants enterrés dans la nécropole et en particulier ceux dont les restes non identifiés ont été déposés dans les ossuaires, le plus grand étant sous la tour. Comme à Douaumont le témoignage diffusé par la tour s’enracine comme un arbre dans l’humus de ces milliers de combattants anonymes.

La première pierre fut posée par le maréchal Pétain, le 19 juin 1921 et le dimanche 21 mai 1922, l'ossuaire de la tour qui recueille des ossements ramassés sur la colline de Notre Dame de Lorette elle-même, reçut la bénédiction de Monseigneur Ceretti, nonce apostolique, en présence du maréchal Foch et d'une foule immense de 30 000 personnes (journal La Croix du 23 mai 1922). La tour-lanterne a été inaugurée le 2 août 1925 par le Président du Conseil Paul Painlevé en présence de dizaines de milliers de personnes. Elle fut bénie le 26 mai 1927 par Mgr Julien, évêque d'Arras ; décédé en 1930, il fut selon son propre vœu, inhumé dans cette chapelle.

Doigts pointés vers le Ciel pour rappeler la folie des hommes, ils veulent en même temps être des constants rappels à la vigilance, le sacrifice de tant de milliers d’hommes ne doit pas être vaine ; comme cette lumière qui déchire la nuit, s’élève des ossuaires de Douaumont et de Notre Dame de Lorette l’appel de tout un peuple d’ombres : plus jamais la guerre ! 

  C’est aussi le cri des poilus pacifistes :

http://www.hgsavinagiac.com/article-des-poilus-pacifistes-40760066.html

En 1921, la Chambre bleu horizon, plus soucieuse d’activité économique que de patrie, reporta au dimanche 13 novembre la commémoration de l'armistice. Le  tollé fut général chez les anciens combattants qui boycottèrent les manifestations officielles et imposèrent la loi du 24 octobre 1922 décrétant le 11 Novembre fête nationale.

A l’époque les commentaires sont explicites : les combattants ont imposé la transformation de leur fête en fête nationale. Et ils la considèrent doublement comme leur fête :  d'abord parce que ce sont eux qui ont gagné la guerre et non les autorités publiques, et ‚ ensuite parce qu'ils en sont sortis vivants.

C'est ce que proclament les Mutilés des Hautes-Pyrénées, dans une affiche réalisée pour le 11 novembre 1921 : « NOTRE FÊTE, celle de l'armistice, est bien le 11 novembre ! Notre dignité nous impose de rendre hommage à nos chers morts au jour anniversaire où l'infâme tuerie cessa ! »  L'année suivante, dans une autre affiche, ils déclarent encore : « S'il est vrai que ce matin du 11 novembre 1918 fut notre seul jour de bonheur… On a gagné et on est vivant : quelle délivrance... mais à quel prix ! »

L’armée n'est pas honorée, elle n'est pas même reconnue. S'il fallait une confirmation de cette unanimité, on la trouverait dans un article du directeur du Journal des mutilés, le plus important organe de la « presse combattante », le seul vendu dans les kiosques :     « Ce qui importe enfin, c'est que la fête du 11 novembre soit dépourvue de tout apparat militaire. Ni prise d'armes, ni revue, ni défilé de troupes. C'est la fête de la paix que nous célébrons. Ce n'est pas la fête de la guerre. » (14 octobre 1922).

Ossuaire de la Tour-Lanterne de Notre Dame de Lorette

La volonté d’échapper aux systèmes, de briser tous les cycles infernaux, de tourner une page, est manifeste. C’est la forte expression d’une espérance nouvelle.

Au fronton extérieur de la chapelle de Notre Dame de Lorette, au dessus de l'entrée, figure la dédicace suivante à la Vierge Marie : 

 "O Toi qui du sein des douleurs enfantas la Sainte Espérance

A Toi ce temple né des pleurs offerts par les femmes de France"

2 – 2014 : Un siècle plus tard : « l’Anneau de la Mémoire » de Notre Dame de Lorette

 

Ce qui interpelle dans la réalisation? c’est l’horizontalité de l’œuvre, comme si l’homme était devenu incapable d’accéder à la transcendance, comme englué dans la boue des tranchées, comme si dans un anneau, un cycle interminable la guerre nourrissait la guerre, sans espoir de le briser un jour.

Pourtant le monument est dédié à la paix mais sa structure architecturale semble aller à l’encontre de l’idée que la réalisation de cette paix est possible… cycle infernal des guerres interminables du 21ème siècle, effrayante litanie qui sans cesse résonne, amplifiée par les porte-voix des moyens de communications modernes.    

Il est inauguré le 11 novembre 1914 par le président François Hollande pour le centenaire du début de la Grande Guerre. Les noms de 579 606 soldats de toutes les nationalités morts en Flandre française et en Artois sont inscrits sur 500 plaques d'acier de trois mètres de haut qui entendent évoquer les millions d'obus tirés lors du conflit.

Le mémorial, dessiné par l'architecte Philippe Prost est un anneau de 345 m de périmètre, sur lequel sont inscrits les noms des soldats par ordre alphabétique, sans aucune distinction de nationalité, de grade ou de religion. L’Anneau entend faire mémoire non pas des vainqueurs de la guerre, mais de la souffrance commune à tous les poilus.

 La liste des noms a été dressée à partir des données fournies par chaque nation a fourni une liste de noms (241.214 noms par la Commonwealth War Graves Commission britannique,  173.876 noms par le Volksbund Deutsche Kriegsgraberfursorge allemand, 106.012 troupes françaises et coloniales (Algériens, Sénégalais, Indochinois...) et parmi les hommes de la Légion étrangère 59 Suisses, des Chiliens et des Argentins. En outre on compte 2.326 Belges, 2.266 Portugais, 1.037 Russes, et  six Américains.

L’anneau est érigé sur la colline, au sud-est de la nécropole, sur un terrain de 2,2 ha cédé à la région Nord-Pas-de-Calais par le Ministère de la Défense français à proximité de la Nécropole nationale de Notre Dame de Lorette.

Une partie de l’anneau est au dessus de vide,  symbole d’une paix rétablie en Europe mais encore fragile.

Anneau de la memoire © Eric Turpin - Radio France

"La violence de la mort de masse qui a frappé notre territoire exigeait un monument durable",

a déclaré à l’AFP l’historien Yves Le Maner, qui a conçu le projet.

 

Commémorations de la 1ère Guerre: 2014 : Un déficit mémoriel : Le rôle occulté des hommes et des femmes de religion (3)

Le rôle des hommes et des femmes de religion et, plus généralement, celui de la foi religieuse furent importants durant le premier conflit mondial. Pourtant, autre signe de cette horizontalité que nous constations dans l’architecture de l’Anneau de la Mémoire, « ils sont aujourd’hui occultés », constate avec regret Mgr Luc Ravel, l’actuel évêque aux Armées.

Pour aider à combler ce déficit de mémoire, le responsable des aumôniers catholiques a créé auprès de lui un « comité Grande Guerre » comprenant des historiens et d’anciens militaires.

Un courant historique récent a mis en avant la brutalisation de la guerre lors de la 1ère Guerre mondiale.

S’il insiste sur une réalité incontestable fondée sur le potentiel de la civilisation industrielle mis au service de la mort, ce courant en présentant les soldats comme les victimes passives de la propagande nationaliste et d’un système qui les dépasse, fait l’impasse sur les convictions profondes d’hommes prêts à donner librement leurs vies par amour de leur Patrie.

Dans les tranchées, bon nombre de catholiques associent la foi en Dieu et la foi en la patrie.

Tableau d'honneur des séminaristes et des prêtres issus du diocèse d'Arras morts pour la France.

À l'occasion du centenaire de la Grande Guerre, publications, colloques («Prêtres et religieux dans la Grande Guerre», le 15 novembre 2014, au couvent des Franciscains à Paris (drac75006@yahoo.fr); «La Vierge Marie, les soldats, la Grande Guerre», le 7 décembre à L’île-Bouchard (evenements@ilebouchard.com ) .

Les archives mettent en lumière le zèle apostolique des prêtres présents sur le front.

Prêtres anciens combattants du diocèse de St Brieuc et Tréguier

1- Le contexte anticlérical de 1914 

                                                  

Depuis 1904, la France n’entretient plus de relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Au terme de violents débats, en 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat a mis fin au Concordat de Napoléon 1er en 1801. L’heure est à l’anticléricalisme et à une lutte d’influence entre l’Eglise et la République. C’est dans ce contexte que les Français catholiques se sont engagés dans le premier conflit mondial qui modifiera sensiblement les relations qu’entretiennent les Français avec l’Eglise et ses représentants, les relations entre l’Etat d’une part, et l’Eglise nationale et le Saint-Siège d’autre part.

2- « L’Union Sacrée » balaie une bonne part des relents anticléricaux

 

La Première Guerre Mondiale allait bientôt étendre son voile sombre de mort sur tous les affrontements religieux et anticléricaux d’avant-guerre. « L’Union Sacrée » face aux Puissances Centrales émoussa fortement l’anticléricalisme. Tous les partis politiques, les syndicats, les Eglises, serrent les rangs face à l’invasion allemande.

Les appels à la paix du Saint-Siège résonnent dans le vide. Tous les efforts menés par Pie X et Benoît XV, sans compter ceux, avant 1914, des socialistes européens, pour préserver la paix, échouent.

Les catholiques français soutiennent la guerre et le gouvernement comme le rappelle sur Radio-Vatican en septembre 2014, le père Franck Guérin, prêtre à Bar le Duc dans la Meuse : « L’Église de France rentre dans l’Union sacrée, elle joue le jeu. Dès le début de la guerre,  le 4 août 1914, l’Union sacrée est proposée par Raymond Poincaré, président de la République et le clergé français adopte une attitude à l’unisson de l’opinion nationale. Pour les catholiques français, le responsable du conflit, c’est l’Allemagne. Durant les quatre années du conflit, le Pape sera totalement incompris. On l’appellera le « Pape Boche ». - C’est un mot aimable de Clemenceau -. Le clergé ne l’a pas compris et ne l’a pas du tout soutenu.»

Benoît XV prononça sa deuxième exhortation le 28 juillet 1915, dans laquelle il précisa son désir et sa volonté de la paix négociée. Par là il creusa encore le fossé entre lui-même et les fidèles français. Il appela en vain directement les « chefs » des peuples à « mettre finalement un terme à cette horrible boucherie » et à « commencer, avec une volonté sincère, un échange de vues .»

Selon le père F. Guérin : « Chez les catholiques français, il y a une association France-catholiques qui est très forte. La patrie est en danger. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si tous les prêtres, membres des congrégations religieuses qui avaient été expulsées de France ou qui ne pouvaient pas rester parce qu’elles n’avaient pas obtenu l’autorisation d’exercer leur ministère ou fonction éducative, reviennent spontanément dès le début du mois d’ août’14 pour se battre et défendre la patrie.»

Avec la victoire de la Marne, l’Union sacrée avait gagné sa première bataille décisive ; déjà pendant la guerre le « miracle de la Marne » donne sa validité à l’idée de l’Union sacrée. Commémorée par une messe solennelle à partir de 1915, la victoire de la Marne est considérée par les catholiques – par le clergé et par les laïques – comme un signe de Dieu approuvant l’Union sacrée et la cause de la France.

 

Ainsi des milliers de religieux qui avaient quitté la France à la suite de l’interdiction de leurs congrégations après 1906 (pour la Belgique, la Suisse, l’Italie, le Canada …) rentrèrent massivement pour rejoindre le front comme « aumôniers » (poste rétabli) ou infirmiers où ils se retrouvèrent aux côtés des instituteurs de l’Ecole laïque pour la plupart officiers de réserve.

Depuis la loi de 15 juillet 1889, dite loi « des curés sac au dos », être religieux ou séminariste n’exemptait plus du service militaire. L’historien Xavier Boniface (Professeur des universités en histoire contemporaine, auteur de deux ouvrages de référence : L’Aumônerie militaire française 1914-1962 - Éd. du Cerf, 596 p., 2001- et L’Armée, l’Église et la République 1879-1914 - Éd. du nouveau monde, 524 p., 2012 - ) estime à près de 30 000 ceux qui ont été mobilisés comme combattants - 30 à 40%  du clergé français- (19 000 prêtres, 7000 novices ou religieux et 4000 séminaristes), entre 800 et 1000 aumôniers militaires. Il y a aussi 500 pasteurs protestants. Leur seul statut était le décret Millerand du 5 mai 1913 accordant quatre prêtres pour 40 000 combattants mais le statut restait précaire et les aumôniers furent rattachés aux ambulances de chaque corps d’armée situées à 20 ou 30 km du front.

Albert de Mun, le grand leader politique du catholicisme, et le quotidien l’Écho de Paris lancèrent une campagne pour l’aumônerie volontaire. Le 11 août 1914, de Mun reçut la permission d’enrôler 250 aumôniers volontaires, sans solde, mais destinés au service sur le front. La Croix commente : «Cette décision sera accueillie en France avec une vive satisfaction. Rien n’est plus consolant, plus réconfortant pour les familles qui donnent leurs fils à la patrie que la pensée de la présence du prêtre sur le champ de bataille… » Les premiers frais furent couverts par des fidèles généreux, dont les noms furent publiés par l’Écho de Paris à partir du 20 août. Finalement une aide substantielle fut fournie par l’Etat. Une circulaire du Ministère de la Guerre, datée du 22 août, entérine la désignation de ces aumôniers "volontaires", recrutés, comme leurs confrères titulaires, parmi les membres du clergé non mobilisables. La circulaire ministérielle de Millerand du 12 novembre 1914 dote les aumôniers militaires volontaires d’une indemnité journalière de 10 Fr. Ils jouissaient désormais d’un statut officiel avec les avantages d’exercer leur ministère auprès des soldats dans une liberté de mouvement à peu près totale. Il faut ajouter les nombreuses religieuses dans les hôpitaux à l’arrière.

4 600 furent tués soit presque 1 sur 5.  Xavier Boniface souligne que « la présence des prêtres et religieux a symbolisé ce qu’on appelait à l’époque ‘‘l’Union sacrée’’. Les membres du clergé et les congréganistes se sont mobilisés dès le début de la guerre, les seconds revenant en France pour répondre à l’appel aux armes, qui s’imposait à eux. Le sens du sacrifice des uns et des autres leur a vite conféré une légitimité auprès de la troupe. »

 

Le père F. Guérin  distingue trois statuts parmi les prêtres et religieux mobilisés:

 On pense spontanément aux aumôniers militaires. Mais au début du conflit, il ne doit y avoir que 150 prêtres membres de l’aumônerie militaire, titulaires de cette fonction, ce qui est très peu. Très vite, il va y avoir des besoins considérables et Albert de Mun qui est député catholique va parvenir à convaincre le gouvernement français, les autorités françaises de la nécessité d’élargir un peu le nombre d’aumôniers avec des aumôniers militaires qui s’engagent comme volontaires et ils seront très vite 400 aumôniers volontaires, les « aumôniers d’Albert de Mun ». Ils seront d’ailleurs reconnus par l’armée et la République avec une solde et un titre d’officier comme les autres aumôniers militaires titulaires. Cela ne fait que 600 personnes et la République a intégré quelque 13.000 prêtres.

‚  Ceux qui étaient prêtres avant la séparation de l’Église et l’État de 1905 - issus des classes 1889-1905 - ont été versés dans le service de santé comme brancardiers. 13.000 prêtres brancardiers sont au service de santé.

ƒ Il en reste 12.000 pour les plus jeunes qui eux, sont des combattants comme les autres dans l’artillerie, l’infanterie. Ces 12.000 hommes, ce sont tous ceux qui étaient prêtres ou séminaristes après 1905. »

Un aumônier militaire célèbre une messe devant des soldats français, dans les carrières du Soissonnais en Picardie. (Co) Rue des Archives/Tallandier

Aumôniers ou simples soldats, ils sont traités de la même façon que les autres Poilus. Dans la boue des tranchées, deux mondes qui s’ignoraient vont se rencontrer comme le raconte le père F. Guérin :

« Accueillis avec circonspection… assez rapidement, ils sont acceptés et même sollicités parce que ces hommes d’Église partagent tout simplement la vie des hommes: le froid, les travaux, la souffrance, la peur et évidemment tous les risques de la mort. … Ces combattants marqués par l’anticléricalisme ambiant…  vont découvrir ces soldats prêtres, qu’on appelait à l’époque des « ratichons épatants ». Ils paient de leur personne, comme les autres. À la veille des attaques, les confessions sont d’une grande intensité. Il n’est pas rare aussi de voir des bataillons entiers envahir des petites églises à demi ruinées pour assister aux offices célébrées par l’un des leurs. Du côté des prêtres, ils vivent une expérience pastorale radicalement nouvelle. Le front, c’est un monde d’hommes et dans bien des régions de France, en particulier les grandes villes … les prêtres connaissaient surtout une population féminine, une assistance féminine à la messe et une assistance faite d’enfants, sauf dans les terres de chrétienté comme la Bretagne… Cela va créer un nouveau clergé, mûri et endurci par l’épreuve, il va être rénové. Sorti de la sacristie, le nouveau prêtre de l’après-guerre a été baptisé dans le réel. »

Comme l’explique Mgr Ravel, évêque aux Armées,  « face à la mort, de nombreux poilus retrouvent la dimension religieuse et la foi dans les tranchées ». L’aumônier militaire est à la fois celui à qui on se confesse ou on se confie, et celui qui administre les sacrements. Il est d’autant plus estimé que, faisant le plus souvent partie des infirmiers ou brancardiers, il accompagne les unités lors des assauts.

Non armés et amenés à intervenir à découvert, les aumôniers payèrent un lourd tribut. Tout comme les soldats qui étaient prêtres, pasteurs ou rabbins, ils se sont souvent signalés par leur courage. On ne compte pas ceux qui furent décorés. Ils furent nombreux, environ 14%, à mourir sous le feu de l’ennemi.

Tableau d'honneur des séminaristes et prêtres morts pour la France - Diocèse d'Arras

Parmi les religieux connus qui ont pris part à la Grande Guerre, on peut citer les jésuites Theilard de Chardin et Paul Doncœur - sa bravoure et son dévouement pour assurer une sépulture chrétienne aux soldats tués sur le champ de bataille lui ont valu une renommée immense : sept citations, la Croix de guerre et la Légion d’honneur. Après guerre, il s'engage dans différentes actions afin « de reconstruire la chrétienté de la France, retrouver un christianisme intégral, pour que le sacrifice de la grande guerre ne soit pas inutile ! ».

Ou encore  le spiritain Daniel Brottier. Lorsque la guerre éclate, bien qu'il soit exempté, il se porte volontaire comme aumônier militaire et passe toute la guerre en première ligne sans être blessé, miracle qu'il attribuait à sainte Thérèse de Lisieux. Cité cinq fois à l'ordre de l'Armée, il reçoit la Légion d’honneur. Après guerre il propose à Clemenceau de fonder l'Union des Combattants (« Unis comme au front »).

En 1923 il prend la direction de l'association Orphelins Apprentis d'Auteuil qui compte alors 70 enfants et est criblée de dettes. Grâce à ses publications, à ses nombreuses missives aux bienfaiteurs et aux concerts qu’il organise, l’œuvre s’étend dans plusieurs départements regroupant en tout plus de 1 400 enfants en 1935.

Parmi les sources répertoriées par le Service des archives du diocèse aux Armées, l'écrivain René Bazin. Après une licence de droit à Paris, il a suivi les cours de la Faculté catholique d’Angers où il obtient un doctorat (1877) et occupe en 1882 la chaire de droit criminel. Porté par les valeurs que l'Église continue à défendre,  en 1915 il est élu président de la Corporation des Publicistes Chrétiens, qui se fait appeler aussi Syndicat des Journalises français  et en 1917 fonde le Bureau Catholique de la Presse. Ecrivain à succès il est élu à l’Académie française en 1903.

Dans Récit du temps de guerre, un texte de mai 1915, il recueille de nombreux témoignages anonymes, comme celui-ci : « Ces hommes, à qui la France demande le sacrifice de leur vie, comment leur refuserait-on l'assistance d'un prêtre, quand le plus misérable condamné l'obtiendrait sans peine ? Notre place est parmi eux [...]. L'expérience est faite : un aumônier qui aime les soldats et qui en est aimé est aussi utile dans le danger que dans les ambulances et dans les hôpitaux. Il en faut partout où l'on souffre et partout où l'on meurt ».

Puis Bazin cite un prêtre se rappelant la déclaration d'un soldat qui se croyait anticlérical: «De vous voir parmi nous, depuis le commencement de cette guerre, cela me retourne. Jusqu'ici, je n'ai connu que la passion du bien-être pour les camarades et pour moi, et puis la haine universelle. Et vous nous montrez que la haine n'existe pas. Ce matin, vous pleuriez quand mon voisin est tombé, comme s'il avait été votre frère.

À moi, bien des fois, vous m'avez tendu la main. Vous êtes plus gai que nous. Je me suis fait cette réponse : c'est sa croyance qui le pousse; elle doit être vraie ».

Le diocèse aux Armées a aussi répertorié les souvenirs du Père Umbricht (son nom  a été donné à des rues et avenues de trois départements) qui après guerre raconte la fin d’un soldat mourant : « Le blessé s'affaiblissait, mais une quiétude radieuse se lisait en ses yeux. Il me dit encore : "J'accepte la mort pour mon pays, mon Père, pour la France. Mes parents... Je suis le fils aîné d'une famille de huit enfants, je meurs à 20 ans. Il faudra aller les voir, mon Père, et leur dire que ma dernière pensée aura été pour eux. - Je te le promets, mon petit". Dix minutes après, mon blessé s'éteignait doucement dans mes bras. »

Le diocèse aux Armées a retrouvé la figure du Père Louis Lenoir : « Ce matin, écrit-il à un ami, j’étais très occupé à confesser mes chers marsouins, quand on m'apporta l'ordre de me rendre immédiatement au quartier général, où le général m'attendait pour me remettre, devant les troupes, la croix de la Légion d'honneur. Ma grande joie est que la décoration s'est trouvée attachée, officiellement, sur le Saint-Sacrement même, qui, dans l'occurrence, la méritait seul». 

3 -  Les prêtres et religieux anciens-combattants dans la société française d’après -guerre :

 

Des prêtres anciens combattants seront élus députés après guerre, amalgamés avec des républicains nationaux dans une chambre « bleu-horizon » ; la fête nationale de Jeanne d’Arc est devenue, à partir du juin 1920, la véritable figure symbolique de cette France réconciliée du Bloc national des années 1919 – 1924.

D’autres anciens combattants seront évêques, archevêques et parfois cardinaux comme Mgr Gerlier à Lyon. On a assisté à la réintégration du clergé français dans la sociabilité masculine de l’après-guerre.

Clemenceau visitant les poilus

La Première Guerre mondiale a eu aussi des conséquences sur les relations que la République française va désormais entretenir avec l’Eglise de France et le Saint-Siège. Les années 1920 marqueront une nette détente après des années de tensions et de défiance.

Clemenceau, « le Tigre », malgré son prestige ne fut pas élu à la présidence de la République en raison de ses positions trop anticléricales.

Il fut battu par Paul Deschanel qui le 30 novembre 1920 rétablit une ambassade de France auprès du Vatican. L’Eglise de France accorda au gouvernement un droit de regard sur la nomination des évêques. En échange le gouvernement ferma les yeux sur le retour des congrégations religieuses et enseignantes. Pour gérer les biens d’église devenus publics, le 13 mai 1923 le pape Pie XI accepta la création d’associations cultuelles diocésaines présidées par l’évêque, ce qui était compatible avec le Droit canon.

 

Le Cartel des Gauches vainqueur des élections de 1924 et conduit par le maire radical de Lyon Edouard Herriot tenta vainement relancer la politique anticléricale :

- Le Sénat refusa de voter la suppression de l’Ambassade de France au Vatican ;

- Le Concordat de 1801 toujours appliqué en Alsace Lorraine (puisqu’en 1905 lors de sa suppression les deux provinces étaient allemandes) fut maintenu.

- Le projet d’expulsion des congrégations non autorisées fut abandonné après que les membres de la « Ligue des religieux anciens combattants » du Père Doncoeur aient défilé à Paris avec leurs soutanes couvertes de décorations.

 

Pour conclure, il convient donc de soligner une fois encore que la mise en exergue de la brutalisation de la guerre lors de la 1ère Guerre mondiale - conséquence de la mise en oeuvre de la civilisation industrielle au service de la guerre -  ne doit pas conduire à une schématisation qui fait des soldats les victimes passives de la propagande nationaliste et d’un système qui les dépasse.

On ne peut faire l’impasse sur les convictions profondes d’hommes prêts à donner librement leurs vies par amour de leur Patrie. Dans les tranchées, bon nombre de catholiques associent la foi en Dieu et la foi en la patrie.

« Le blessé s'affaiblissait, mais une quiétude radieuse se lisait en ses yeux. Il me dit encore : "J'accepte la mort pour mon pays, mon Père, pour la France. Mes parents... Je suis le fils aîné d'une famille de huit enfants, je meurs à 20 ans. Il faudra aller les voir, mon Père, et leur dire que ma dernière pensée aura été pour eux. - Je te le promets, mon petit". Dix minutes après, mon blessé s'éteignait doucement dans mes bras. » ( souvenirs du Père Umbricht ).

Sitographie :

Mes articles :

Les monuments aux morts de Bretagne

http://www.hgsavinagiac.com/article-11-novembre-1918-les-monuments-aux-morts-de-bretagne-121066751.html

Sur la pierre de kersanton

http://www.hgsavinagiac.com/article-31193678.html

Des poilus pacifistes

http://www.hgsavinagiac.com/article-des-poilus-pacifistes-40760066.html

Les derniers survivants de la 1ère guerre ont tous disparu :

http://www.hgsavinagiac.com/article-a-la-rencontre-des-derniers-veterans-de-la-1ere-guerre-mondiale-68329892.html

 

Notre Dame de Lorette et l'"Anneau de la Mémoire",

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Nécropole_nationale_de_Notre-Dame-de-Lorette&oldid=109030354

http://www.europe1.fr/societe/l-anneau-de-la-memoire-va-rendre-hommage-a-580-000-soldats-2284101

 

L’Ossuaire de Douaumont à Verdun

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Ossuaire_de_Douaumont&oldid=109052442

 

Le clergé catholique dans la Grande Guerre

 

http://blog.jeunes-cathos.fr/2013/11/les-religieux-du-front-14-18-sortent-de-loubli/

http://fr.radiovaticana.va/news/2014/09/29/les_catholiques_fran%C3%A7ais_pendant_la_premi%C3%A8re_guerre_mondiale/1107533

http://crid1418.org/doc/textes/hoffmann_catholiques.pdf

Soutanes sous la mitraille par  Bernard Marc :

http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2003x037x002/HSMx2003x037x002x0171.pdf

http://www.famillechretienne.fr/societe/histoire/les-aumoniers-des-tranchees-ces-freres-de-larmes-15442

Père Paul Doncœur

http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Donc%C5%93ur

 Père Daniel Brottier

http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Brottier

René Bazin

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Bazin

L’histoire en marche : variation géopolitique autour de la chaussure et de la savate. (1/3)

Un des signes de l’hominisation a été le passage de la marche quadrupède en s’appuyant sur les poings comme les primates à celle de bipède. La tête s’est redressée, libérant certaines parties du cerveau essentielles dans la fonction de l’intelligence. Tout le poids du corps s’exerce alors sur la plante des pieds avec une force qui peut être brutale mais la nécessité de les protéger se manifeste très tôt, la chaussure/savate - « Savate » en vieux français veut dire « vieille chaussure » -, signe de civilisation, est un pan de l’étude archéologique, on pourrait en faire une étude géopolitique.

« Qui contrôle le passé contrôle le futur. Qui contrôle le présent contrôle le passé…. Si vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain, éternellement. »

George Orwell « 1984 »

Expression de la brutalité humaine, la chaussure peut aussi, quand  elle est abandonnée pour fuir plus vite, être symbole de défaite et de lâcheté.

Gédéon défait les Madianites

La Bible  dans Isaïe chapitre 9 versets 1à 4

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. »

Une des plus vieilles chaussures du monde a 5500 ans

1 – ARCHÉOLOGIE DE LA CHAUSSURE/SAVATE :

 

La chaussure Areni-1 est une chaussure de cuir vieille de 5500 ans trouvée en 2008 par l’équipe de l’archéologue Boris Gasparyan sur le site archéologique de Areni-1 en Arménie près de Vayots Dzor dans une fosse circulaire de 0,45m de profondeur au milieu de céramiques brisées. Elle est à ce jour la plus ancienne qu’on ait découverte ( antérieure aux chaussures de la momie d’Ötzi découverte dans un glacier alpin). Cependant on connaît des sandales vieilles de 10 000 ans découvertes aux EU dans l'Oregon[].

C’est un mocassin en cuir remarquablement conservé, cet ancêtre de toutes les chaussures est taillé dans une pièce de cuir unique, et façonné pour ne pas meurtrir le pied de son porteur. Sa conception correspond à un modèle retrouvé dans l'ensemble de l’Europe pendant plusieurs millénaires ( le modèle est voisin des pampooties, portées dans les îles d’Aran en Irlande jusqu’aux années 1950 ou des opanci encore portées lors des fêtes folkloriques des pays balkaniques.)

En raison du froid, de l'absence d'humidité qui règnent dans la grotte d'Areni-1 et d’une épaisse couche de crottes de mouton, véritable couvercle d’étanchéité, la chaussure était presque intacte avec ses lacets. Des conditions de conservation si idéales qu'elles ont, au départ, induit les archéologues en erreur : " Nous pensions tout d'abord que le mocassin et les autres objets contenus dans la caverne dataient seulement de 600 à 700 ans car ils étaient en très bon état ", a déclaré Ron Pinhasi, archéologue au Collège Cork (Irlande). C’est la datation au carbone 14 qui a révélé le grand âge de cette antique chaussure.

Deux questions restent en suspens :

- La chaussure contenait de l'herbe dont le rôle est à définir : isolant thermique pour le pied ou moyen de conserver la forme de la chaussure non portée.

- Sa petite taille – 37 -correspond à la taille des hommes de la région mais pourrait aussi être adaptée à une femme.

Plus de détails sur :

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Chaussure_Areni-1&oldid=100228557

http://www.maxisciences.com/arch%E9ologie/la-plus-vieille-chaussure-du-monde-a-5-500-ans-decouvrez-la-en-images_art7757.html

 

Protégeant le pied, la chaussure permet de multiplier les distances parcourues, elle devint vite une partie indispensable de l’équipement des militaires et en particulier des fantassins, pouvant à l’occasion faire partie du butin. Elle est même devenue un attribut majeur d’un sport de combat et d’auto-défense.

Boxe française au 19ème siècle (Co) Wikipedia

2 – LA SAVATE : Un sport de combat oublié

 

La savate ou boxe française est un sport de combat de percussion où deux adversaires – un homme qui pratique la savate est appelé un tireur tandis qu'une femme s'appelle une tireuse - munis de gants et de chaussons se portent des coups avec les pieds et les poings. Elle naît au début du 19ème s. dans l’esprit de l’escrime française dont elle utilise les termes, dans un contexte  d’attrait nouveau pour les activités physiques.

C'est un sport très percutant et très efficace bien qu'il soit relativement peu connu. Ce nouveau sport répondait à trois tendances de la société parisienne de l’époque :  se confronter physiquement en duel sans risquer la mort, entretenir sa forme et apprendre des techniques de défense personnelle.  Les savatiers se retrouvaient au départ dans les arrière-salles des cafés puis dans des salles spécialisées comme celle maître d'armes Michel Casseux en 1825 sous Charles X.  Il est le véritable inventeur du sport de la Savate. Charles Lecour crée après 1830 le sport de combat dit Boxe française en réunissant les techniques de la savate et de la boxe anglaise avec port obligatoire de chaussures.

L’écrivain Théophile Gautier a longuement parlé de ce sport dans un livre daté de 1842, Le maître de chausson. « Vous voyez –dit-il - que la savate est une science profonde, qui exige beaucoup de sang-froid, de réflexion, de calcul, d’agilité et de force ; c’est le plus beau développement de la vigueur humaine, une lutte sans autres armes que les armes naturelles, et où l’on ne peut jamais être pris au dépourvu. »

http://www.bmlisieux.com/curiosa/gautier01.htm

Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 5 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 

 

Théophile Gautier photographié par Nadar en 1856

A la suite des pertes de la 1ère Guerre mondiale il ne reste plus en 1930 que 500 adhérents en France et quelques salles. En 1937 eut lieu le dernier championnat de France jusqu'à la renaissance  de ce sport en 1966. La boxe française survécut grâce à quelques passionnés dont Bernard Plasait. En 2013 la Fédération de savate boxe française compte 48 700 licenciés dont 1/3 de femmes répartis dans 730 clubs. Les femmes aussi pratiquent la discipline : elles sont plus de 14 000 pratiquantes.

La chaussure/savate devenue indispensable à une société qui se veut sophistiquée peut donc devenir un produit stratégique, une occasion de rapine ou de butin, même au cœur de ce 20ème Siècle prétendument civilisé. 

 

3 – CHAUSSURES ET SHOAH

 

Dans leur souci presque maladif de trouver des ersatz et de faire des stocks pour que la population allemande civile et militaire ne souffre pas de la pénurie, l’administration nazie planifie toutes les sortes de récupérations possibles. C’est en particulier le cas des biens confisqués aux populations déportées, notamment aux juifs dépouillés de tout, même du maigre bagage qu’ils furent autorisés d’emporter avec eux dans les convois des trains de la mort à destination des camps de déportation et d’extermination. 

Sur la photo qui suit on voit des chaussures entassées au magasin d’Auschwitz en Pologne. (Photo de 1945. Coll. Stanislaw Mucha © mémorial de la Shoah/CDJC.)

 

 

La logique industrielle et matérialiste, la recherche de l’efficacité qui fait la célébrité du système capitaliste industriel allemand vont être appliquées au projet d’extermination à grande échelle imaginé par Hitler et Himmler. Il conduisit l’Allemagne nazie à nier toute dignité à l’être humain à partir du moment où il appartiendrait à ce que Hitler dès 1923 dans Mein Kampf appelle les « races inférieures ». C’est ce qui va donner au génocide nazi ce caractère unique,  ce pourquoi on ne peut le mettre sur le même plan que tous les génocides qui ponctuent l’histoire humaine et notamment aux 20 et 21èmes  siècles. Seule l’Allemagne nazie a voulu faire de l’être humain une matière première, un matériau qu’il faut traiter et valoriser par des procédés industriels mis au point par l’ingénierie allemande.

A l’heure où nos sociétés contemporaines font des embryons humains la matière première d’une utilisation de plus en plus diversifiée, la folie nazie mérite d’être méditée.   

 

http://gradhiva.revues.org/735

 

Les tas de chaussures sont l’image de ces tas corps qui hantent nos consciences et qui ont hanté tant d’artistes et écrivains des 20 et 21èmes  siècles. 

Parmi eux, Zoran Mušič, ce slovène est né à Gorizia en 1909, mort à Venise en 2005, entre à l'École des beaux-arts de Zagreb, étudie l'expressionnisme viennois et la Nouvelle Objectivité de Berlin. Au cours d'un voyage en Espagne, il découvre El Greco et Goya, ainsi que l'œuvre de Pieter Bruegel, Le Triomphe de la mort.

Soupçonné de résistance, il est arrêté à Venise en septembre 1944, il est déporté à Dachau. Il vivait entre Venise et Paris. Son œuvre a fait l'objet de nombreuses expositions en Europe, dont une rétrospective au Grand Palais en 1995.

  • Où avez-vous fait des dessins ?
  • Partout, dès que je pouvais. Les sujets ne manquaient pas [...]. Les feuilles, je les volais à l'usine où je travaillais, ou à l'infirmerie [...]. [...] Je ne voulais pas illustrer, faire des documents ; je dessinais. Ceux qui étaient entassés, les uns sur les autres. Je ne me considérais pas comme un reporter.
  • Vous parlez souvent de « paysage de cadavres »...
  • Oui, car cela devenait un paysage, car, lorsqu'on voyait des centaines, des milliers de cadavres, c'était une chose qu'on ne pouvait décrire [...]. Je dis paysage pour exprimer quelque chose de terrible. Si je dis paysage, je pense à des cadavres...
  • Quand vous avez repris les motifs en 1972, qu'est-ce qui vous y a poussé ?
  • Quand je suis revenu, en 1945, c'était trop frais pour sortir. Sur le moment, j'ai dessiné ce que j'ai vu. Puis j'ai cherché à oublier ce que j'avais vu. Mais en dessous, ça travaillait ; après une dizaine d'années, tout ce qu'on a souffert, vu et ce à quoi on a participé, ressort. Toutes ces toiles ne pouvaient pas rester cachées. C'est là que j'ai commencé à peindre. On ne peut pas appeler cela « souvenirs ». Ce que j'avais dedans devait ressortir. Le déclic a été les événements dans le monde qui ont commencé à se répéter un peu partout, les guerres, les massacres.

-A propos des dessins dans les camps...

Une nécessité absolue [...]. De reproduire, de représenter [...]. Ce n'est pas que je voulais témoigner [...]. Parce que tu ne savais pas si tu sortirais de cet univers-là, j'étais parmi eux, parmi ces cadavres, comme eux ! [...] Le blanc c'était la couleur des cadavres. Une espèce de bleu pâle, presque blanc. Comme il n'y avait presque plus de chair, c'était comme les structures d'un paysage de montagne. Je sais que les gens ne peuvent pas comprendre, qu'ils doivent trouver absurde que je parle de « paysage de cadavres », parce que les cadavres, c'est ce qu'on ne voit justement jamais. Quand quelqu'un meurt, on le cache.

 Extrait de Jean CLAIR, La Barbarie ordinaire, Mušič  à Dachau, NRF-Gallimard, 2001.

« J'avais ces monceaux de cadavres dans mon regard intérieur, et plus tard, quand je découvris ces collines près de Sienne, ravagées  par le temps et la pluie, ces reliefs d'argile minés par le temps et ressemblant à des cadavres à peine recouverts de peau, j'éprouvai un choc, car en elles, je reconnus les monceaux de morts de mourants dans le camp »  (Zoran Mušič, op. cit.).

 

Traces de chaussures dans le sable, traces dans la boue de l’histoire, traces dérisoires qui gisent comme des cadavres sur les champs de bataille de notre histoire contemporaine bouleversée.

 

 

Guerre des Six Jours, Sinai, juin 1967 ; photographie Gilles Caron

4 – 1967 : CHAUSSURES PERDUES DANS LES SABLES DU SINAÏ

 

Il y a près d’un demi-siècle, le 6 juin 1967 la guerre éclatait au Proche Orient, tous les journaux titraient sur la violence des combats et voilà que six jours plus tard toute la presse titrait : « Les armes se sont tues ! ». Cette « guerre-éclair » allait entrer dans l’histoire sous le nom de « Guerre des Six jours », la 3ème guerre israélo-arabe après celles de 1947 et 1956. L'aviation israélienne détruisait au sol l’aviation arabe tandis que les blindés de Tsahal fonçaient dans le désert du Sinaï et vers la bande de Gaza, s’emparant de territoires clés pour assurer selon les militaires une sécurité définitive pour Israël : la Cisjordanie et Jérusalem-Est, contrôlées jusque là par la Jordanie ; le plateau du Golan syrien ; le Sinaï et la bande de Gaza égyptiens. Ce sont les fameux « territoires occupés » qui multiplient par quatre la superficie d’Israël et que le Conseil de sécurité de l'ONU somme Israël d’évacuer par la résolution 242, adoptée le 22 novembre 1967, qui ne sera jamais appliquée. Malgré les accords israélo-égyptiens de Camp David en 1978 et israélo-palestiniens d'Oslo en 1993, le rôle de médiateurs des Etats-Unis, le problème reste aujourd'hui entier, encore compliqué par les dissensions entre palestiniens.

1967 - Photographie Paris Match de Gilles Caron

Les images de la victoire israélienne frappent les imaginations dans le monde entier. Tous ceux qui ont vécu ces événements ont gardé en mémoire les chaussures laissées par les troupes égyptiennes dans les sables du Sinaï ou le matériel de guerre abandonné sur la « route de la retraite » par ces milliers de  soldats égyptiens mourant de soif dans le désert et attendant comme une délivrance d'être faits prisonniers.

Ce cliché qui a fait le tour de toutes les rédactions du monde a été réalisé par le Français Gilles Caron. Né en 1939, il a vécu toute sa jeunesse en Haute Savoie avant de faire des études de journalisme à Paris. Appelé au service national en 1959, il participe comme parachutiste à la Guerre d'Algérie. Après son mariage il commence une carrière de photographe de mode. En 1967 il fonde à Paris l’Agence Gamma avec notamment Raymond Depardon. Dans ce cadre il va effectuer comme grand reporter plusieurs voyages à l’étranger pour couvrir diverses zones de tensions d'abord en Israël pendant la Guerre des Six Jours où il réalise son fameux cliché, au Vietnam en pleine guerre EU - Viet Cong, au Nigeria lors de la sécession du Biafra où il se rend trois fois, en Irlande du Nord à Londonderry, en Tchécoslovaquie lors du printemps de Prague en 1968, dans le Tibesti tchadien en insurrection. Il suivra aussi les manifestations de mai 1968 à Paris. En avril 1970, il se rend au Cambodge  où il disparaît le 5 avril à l'âge de 30 ans, avec deux confrères, sur la route reliant Phnom Penh à Saigon dont les Khmers rouges avaient pris le contrôle.

 

Le 19 décembre 2007, son épouse Marianne Caron a créé  la Fondation Gilles Caron. En 2013 se tint au Musée de l’ Élysée à Lausanne une exposition de ses photos consacrée aux visages des guerriers sur la période 1967 jusqu’à sa disparition en 1970. Intitulée « Gilles Caron, le conflit intérieur »,  elle a mis en relief le questionnement de Gilles Caron sur le rôle du photo-reporter, les questions de la recherche de sens et la quête de la responsabilité au cœur du photojournalisme : "n'être que témoin, dit Caron, c'est encore une fuite". D'abord héros audacieux , il passe avec le temps de la glorification guerrière comme dans ses clichés sur la Guerre des Six Jours, à une compassion envers le soldat confronté à l'horreur à Dak To au Vietnam, puis à une critique implicite de la guerre à caractère colonial avec les enfants décharnés du Biafra. La couverture du catalogue reprenait un détail de la célèbre photographie des chaussures abandonnées dans le sable du Sinaï par des soldats égyptiens. Elle convenait à une couverture mais il n’en reste pas moins qu’il est difficile de faire abstraction de son utilisation par la propagande sioniste et occidentale pour montrer la lâcheté supposée des soldats égyptiens se déchaussant pour fuir plus vite.

 

http://www.ladepeche.fr/article/2007/06/05/8176-proche-orient-cette-guerre-eclair-qui-etonna-le-monde.html

http://www.juif.org/le-mag/293,que-disait-la-presse-au-lendemain-de-la-guerre-des-6-jours.php

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Gilles_Caron&oldid=108486052

http://www.fondationgillescaron.org/index.html

http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2013/02/04/gilles-caron-le-conflit-interieur/

 

( A SUIVRE …)

 

L’histoire en marche : géopolitique de la chaussure (2/2) : 1968-1969 - « Sous les pavés, la plage… »

Relire : http://www.hgsavinagiac.com/2014/12/l-histoire-en-marche-variation-geopolitique-autour-de-la-chaussure-et-de-la-savate-1-3.html

5 – « Sous les pavés, la plage… »1968 : CHAUSSURES PERDUES DE MANIFESTANTS DISPERSÉS

Il y avait à l’exposition de Gilles Caron qui se tint en 2013 au Musée de l’ Élysée à Lausanne une salle sur le manifestant avec en exergue la photo-icône du lanceur de mai 1968 avec la vision champ / contre-champ des manifestations.

Entamée à Nanterre dès mars 1968, l’agitation a gagné tout le monde étudiant puis le monde syndical qui prit le train en marche et fin mai le mouvement prit des allures de révolution en s’étendant au monde politique. Le 24 mai 1968 le général de Gaulle affirme à la télévision la nécessité du maintien de l’ordre public et promet l’organisation d’un référendum sur la participation, sans que ces annonces suffisent à faire retomber le soufflet. Face à l’apparente décomposition du pouvoir gaulliste, la gauche se rassembla le 27 mai au « meeting du Stade Charléty » et le 28 mai François Mitterrand et Pierre Mendès France annonçaient être prêts à former un « gouvernement provisoire ». Le 29 mai, on apprit que le général de Gaulle avait quitté l’Élysée ; tout le monde s’attendait à sa démission. En fait, il s’est rendu en RFA, à Baden Baden, pour s’assurer de la fidélité des chefs de l’armée.

Lorsque les premières barricades furent élevées, les étudiants constatèrent que les pavés avec lesquels les barricades étaient élevées, étaient posés sur un lit de sable posé par les ouvriers qui avaient réalisé ces chaussées.

Le slogan « Sous les pavés, la plage ! » résume les aspirations de Mai 68, le désir de liberté, il est scandé ou écrit sur les murs. Il a été imaginé fin mai 1968 non par des étudiants mais par de jeunes travailleurs, des publicistes, en grève à l'époque, en particulier, Bernard Cousin, lors d’un débat sur des graffitis à effectuer sur les murs.

A l'origine, il devait être: "il y a de l'herbe sous les pavés" mais le mot "herbe" pouvait créer un amalgame inadéquat avec le haschich, le mot "sable" - réellement utilisé sous les pavés dans la construction - s'imposa. Écrit au feutre rouge sur une feuille, la virgule fut ensuite rajoutée au slogan au stylo bleu. Il fut écrit pour la première fois à la place du Panthéon avant la place Edmond-Rostand. Une centaine de réalisations furent effectuées par la suite.

Bernard Cousin explique en 2008, 40 ans après mai 1968, à une journaliste de l’Express la signification du slogan célèbre, pas - comme on l’a dit trop souvent - que les étudiants après avoir arraché les pavés sont partis en vacances mais que : « le pavé représente nos constructions, les routes, le plan de roulement et ce qu'on édifie autour, si on l'arrache c'est qu'on ne comprend plus son agencement et son utilité, on ne comprend plus le plan... La plage c'est beaucoup plus ancien, c'est sous et c'est avant le pavé. Il est bien possible qu'avant de monter sur la dune explorer le vaste monde nous ayons vécu quelques millions d'années en mammifères semi-aquatiques. Le bonheur total de l'enfant pataugeant au bord de l'eau, notre évocation le soir ou nous avons crée le graffiti, pourrait bien être notre paradis perdu, cela expliquerait beaucoup de choses du corps de l'homme et de son comportement. C'est à vous, les jeunes d'explorer maintenant. »

Plus de détails sur : http://users.skynet.be/ddz/mai68/temoignages/souslespaves.html

Le 30 mai de Gaulle annonce à la télévision qu’il se maintient au pouvoir et qu’il dissout l’Assemblée Nationale. Le soir même des milliers de personnes lui manifestent leur soutien en province et à Paris, ils sont 500 000 aux Champs Elysées.

Avec la perspective de l’été, des examens à passer malgré tout pour sauver l’année d’études et des vacances qui se profilent le mouvement s’enlise dans le sable mais cette fois des plages.

La campagne électorale priva les contestataires de la possibilité d’entraîner dans une insurrection généralisée de type maoïste, trotskiste ou anarchiste, la gauche traditionnelle. Cette dernière pour ne pas effrayer son électorat rejeta toute alliance avec des extrémistes incontrôlables. Dès le 1er juin on assistait à la reprise progressive du travail et les étudiants se retrouvèrent isolés. Le 12 juin le gouvernement décida la dissolution de 12 organisations étudiantes révolutionnaires, le 16 juin l’évacuation de La Sorbonne se déroula dans l’indifférence.

Le parti gaulliste, l’U.D.R. - Union pour la Défense de la République -, orienta sa propagande sur « la menace de la révolution » et la condamnation des désordres. Les élections des 23 et 30 juin 1968 furent un « raz de marée » gaulliste car l’UDR eut à elle seule la majorité absolue avec 294 députés (auxquels s’ajoutent les 64 députés Républicains Indépendants, leurs alliés) soit ¾ des 487 députés se réclamant du gaullisme (contre 24 au PCF, 57 à la FGDS, 36 aux centristes). Pour les uns, c’est le sursaut national, pour les autres ce sont les « élections de la peur ».

Si les libertaires avaient perdu la bataille politique, ils avaient gagné la bataille sociétale. Le général de Gaulle tenta de relancer le régime en mettant Georges Pompidou « en réserve de la république » en juillet 1968 ; en appelant Maurice Couve de Murville comme 1er Ministre et en désignant Edgar Faure comme ministre de l'Education nationale. Il fit voter en octobre 1968 une loi sur l’autonomie des universités désormais gérées par les étudiants et les professeurs.

6 – 1969 : Traces de chaussures sur le sable … les unes s’effacent, les autres s’impriment dans la mémoire des hommes … de Gaulle, Armstrong.

Pour le général de Gaulle la relance du régime de la 5ème République reposait sur la « participation » de toutes les forces socio–économiques à la gestion des régions dans le cadre de la décentralisation. Le référendum du 27 avril 1969 – procédure qui lui avait jusque là bien réussi - porta donc sur la participation et la transformation du Sénat en « Assemblée des Régions ».

En fait, la campagne électorale fut l’occasion pour les adversaires de de Gaulle d’exprimer leurs griefs, même à droite, car Georges Pompidou a fait savoir qu’il serait candidat à la présidence en cas de démission de de Gaulle. Toute la gauche, les milieux d’affaires (favorables à une dévaluation, refusée par de Gaulle, pour annuler une part des hausses de salaires accordées en mai 1968), les Centristes et les notables locaux hostiles à la transformation du Sénat où ils sont très influents, les Républicains Indépendants de Valéry Giscard d'Estaing qui refusent leur rôle secondaire face à l’UDR, firent campagne en faveur du non au référendum. Le projet du référendum fut rejeté par 53,2% de non. Le 29 avril 1969 à midi le général de Gaulle annonça sa démission et se retira dans sa maison de Colombey les Deux Eglises – où il mourut le 9 novembre 1970 - ; le président du Sénat Alain Poher assura l’intérim.

Le vieux chêne avait été abattu par la tempête selon le mot d’André Malraux .

« Oh! Quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu'on abat pour le bûcher d'Hercule !
»
Victor Hugo

André Malraux va revoir le général de Gaulle retiré à Colombey.

De telles rencontres n’ont guère existé dans l’histoire, Voltaire a oublié sa conversation avec Frédéric, Diderot celle qu’il eut avec Catherine II, Napoléon se contentait de dicter ses « Mémoires de Sainte Hélène » à des secrétaires. Voilà l’homme qui a infléchi le sens de l'Histoire en dialogue avec l’écrivain qui maîtrise au plus haut point l’art de la plume. Malraux vient avec acuité questionner un destin et il découvre une interrogation. De Staline à saint Bernard, tout est questionnement et éclaire de Gaulle de l'intérieur.

Le 17 mars 1971 Malraux publie « Les chênes qu'on abat... » : « Ce livre est une interview comme la Condition humaine était un reportage- dit-il dans sa préface -.

http://www.hgsavinagiac.com/article-1919-mouvement-du-4-mai-et-1927-massacre-des-communistes-de-shanghai-repressions-en-chin-124318392.html

Je découvre aussi, avec surprise que nous ne connaissons aucun dialogue d’un homme de l’Histoire avec un grand artiste : peintre, écrivain, musicien… Même lorsque l’homme de l’Histoire a des témoins, il n’a pas d’entretien…J’ai tenu à montrer un général de Gaulle qui n’est pas seulement celui de l’Histoire.»

Lire sur :

http://www.babelio.com/livres/Malraux-Les-Chenes-quon-abat/68495/extraits

Les traces des pas de ce géant de l’histoire commencent à s’effacer comme sur le sable des plages d’Irlande où de Gaulle se rend en voyage privé du 10 mai au 19 juin1969 avec son épouse à la suite de sa démission. Il est accueilli à l'aérodrome de Cork par Jack Lynch, Premier ministre d'Irlande puis visite le Kerry, le Connemara, le Kenmare et Dublin. Il est reçu par Eamon De Valera, président de la République d'Irlande et participe à plusieurs dîners donnés en son honneur par Eamon de Valera et Jack Lynch. Pendant ce temps, le 15 juin Georges Pompidou est élu président de la République et de Gaulle lui envoie un télégramme de félicitations.

 

Presque au même moment la NASA s’apprêtait à tourner une page de l’histoire.

« Un petit pas pour un homme,

mais un pas de géant pour l'humanité »

Le programme Apollo est lancé par le président John F. Kennedy en 1961 avec comme objectif de faire atterrir un homme sur la Lune avant la fin de la décennie afin de démontrer la supériorité des États-Unis sur l'Union soviétique dans le domaine spatial dans le contexte de la Guerre froide.

L'objectif est alors ambitieux car aucun vol orbital habité américain n'a encore à l’époque été réalisé. Apollo 11 marqua la réussite d'un projet qui nécessita d’énormes moyens humains et financiers mobilisant jusqu'à 400 000 personnes et un budget de 135 milliards $ (valeur 2005).

Pour atteindre l'objectif la NASA (National Aeronautics and Space Administration) lança plusieurs programmes spatiaux destinés à préparer les futures expéditions lunaires : le programme Gemini pour les techniques de vol spatial, des programmes de reconnaissance (Programmes Surveyor, Ranger…) pour analyser les zones d'atterrissage et la consistance du sol lunaire. Pour atteindre la Lune, les responsables optent pour la méthode risquée du rendez-vous en orbite lunaire qui nécessite de disposer de deux vaisseaux spatiaux dont le module lunaire (L.E.M.) destiné à l'atterrissage sur la Lune. La fusée géante de 3 000 tonnes Saturn V est développée pour lancer les véhicules de l'expédition lunaire. L'incendie au sol du vaisseau spatial Apollo 1, dont l'équipage périt brûlé, entraîna un report de près de deux ans du calendrier. Après plusieurs missions sans équipage pour tester la fusée Saturn V et les deux vaisseaux spatiaux, la NASA lança en 7 mois quatre missions avec équipage: Apollo 7 (octobre 1968) est la première mission habitée, Apollo 8 (décembre 1968) est le premier vol habité en dehors de l’orbite terrestre.

L'équipage d'Apollo 11 est composé de Neil Armstrong, qui commande la mission et qui doit piloter le module lunaire jusqu'à la surface lunaire, Buzz Aldrin, deuxième homme à aller sur le sol lunaire et Michael Collins qui pilota du module de commande. Plusieurs phases cruciales n'ont jamais été réalisées et comportent des risques importants. Le site d'atterrissage sur la Lune devait se situer sur la face de la Lune visible depuis la Terre pour permettre les échanges radio, ne devait pas être cernée de falaises, de reliefs trop élevés ou de cratères profonds.

Le 16 juillet 1969 à 13 h 32 UTC le lanceur Saturn V, pesant plus de 3 000 tonnes, décolle de Cap Canaveral. Près d’un million de personnes ont fait le déplacement pour assister à cet événement. Après trois jours, le vaisseau Apollo se place en orbite lunaire. Le module lunaire Eagle, après treize révolutions autour de la Lune, se sépare du CSM et se pose dans la mer de la Tranquillité, le site sélectionné est dépassé de 7 km à la suite de problèmes durant la descente. Le LEM se pose le dimanche 20 juillet 1969 à 20:17:40 UTC.

Armstrong avant de poser son pied constate que le sol lunaire semble poudreux. Après avoir posé son pied tout en se tenant fermement à l'échelle, il observe que l'empreinte de sa semelle s'est parfaitement moulée dans le sol. En grattant celui-ci avec sa chaussure il constate que le matériau lunaire adhère sur celle-ci comme du charbon de bois pulvérisé. Armstrong effectue ses premiers pas sur la Lune le lundi 21 juillet 1969 à 2 h 56 min 20 s UTC devant des millions de téléspectateurs écoutant son message resté célèbre : « That's one small step for [a] man, one giant leap for mankind » (« C'est un petit pas pour [un] homme, mais un pas de géant pour l'humanité »). Après s'être éloigné de quelques mètres, il collecte rapidement un peu de régolithe et quelques petites roches lunaires au cas où un départ précipité serait nécessaire.

On estime que 500 à 600 millions de téléspectateurs et d'auditeurs ont suivi en Mondiovision l'atterrissage et la marche du premier homme sur la Lune. Trente-six chaînes de télévision sont présentes au centre de Houston, dont celle de la télévision publique roumaine, seul pays du bloc de l'Est présent. La salle de presse de Houston a accueilli 3 497 journalistes accrédités dont des délégations étrangères composés de 111 journalistes japonais, 80 italiens, 64 britanniques, 57 français, 44 allemands, 38 argentins, 38 mexicains, 32 canadiens, 21 australiens, 20 espagnols et 19 brésiliens.

La présence de ces milliers de journalistes, souvent aguerris sur les questions de manipulations médiatiques en ces temps de Guerre Froide, permet donc d’être sceptique face ceux qui aujourd'hui présentent l’expédition comme une mise en scène organisée par la NASA.

Plus de détails sur la thèse de la fausse expédition :

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20090630.OBS2579/a-t-on-vraiment-marche-sur-la-lune.html

Quinze minutes après, Buzz Aldrin descend à son tour . Sa sortie est photographiée par Armstrong. Alors qu'il pose le pied sur le sol lunaire il s'exclame « Belle vue » avant de préciser son sentiment par un « Magnifique désolation ». Armstrong lit le texte à haute voix : « Ici des hommes de la planète Terre ont pris pied pour la première fois sur la Lune, juillet 1969 ap. J.-C. Nous sommes venus dans un esprit pacifique au nom de toute l'humanité. » L'empreinte de la botte de Buzz Aldrin s'est imprimée de manière très nette sur le sol lunaire.

Armstrong déroule plante dans le sol le drapeau américain maintenu tendu par une baguette un peu courte d’où ses plis, ils ont faussement donné une impression de vent qui n’existe pas sur la lune en raison de l'absence d'atmosphère. Cet acte ne reflète pas une revendication territoriale mais veut marquer cette "victoire" américaine dans la course à l'espace.

Les astronautes ont récolté 21,7 kg d'échantillons de sol lunaire, installé plusieurs instruments scientifiques à la surface de la lune ; leur sortie a duré 2 h 31, ils ont parcouru 250 mètres. Le décollage depuis la Lune a lieu 124 h 22 min après le début de la mission. Les astronautes sont restés 21 heures et 36 minutes sur la Lune. Le vaisseau amerrit dans l'océan Pacifique 195 heures et 19 minutes après son décollage de la terre. Les trois astronautes sont mis en quarantaine pendant 21 jours, pratique qui perdura pendant les trois missions Apollo suivantes, avant que la Lune ne soit déclarée stérile et sans danger de contamination.

Le 21 juillet 1969, la sonde soviétique Luna 15, qui devait aussi ramener des échantillons de Lune, s'écrasa sur le sol lunaire après 52 révolutions autour de l'astre, témoignant de l'avance prise par les Américains.

Les astronautes ont récolté 21,7 kg d'échantillons de sol linaire, installé plusieurs instruments scientifiques à la surface de la lune ; leur sortie a duré 2 h 31, ils ont parcouru 250 mètres. Le décollage depuis la Lune a lieu 124 h 22 min après le début de la mission. Les astronautes sont restés 21 heures et 36 minutes sur la Lune. Le vaisseau amerrit dans l'océan Pacifique 195 heures et 19 minutes après son décollage de la terre. Les trois astronautes sont mis en quarantaine pendant 21 jours, pratique qui perdura pendant les trois missions Apollo suivantes, avant que la Lune ne soit déclarée stérile et sans danger de contamination.

Le 21 juillet 1969, la sonde soviétique Luna 15, qui devait aussi ramener des échantillons de Lune, s'écrasa sur le sol lunaire après 52 révolutions autour de l'astre, témoignant de l'avance prise par les Américains.

L'équipage d'Apollo 11 fut accueilli triomphalement lors de la parade dans les rues de New York le 13 août 1969.

Plus de détails sur : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Apollo_11&oldid=110638533

Ouverture du camp d'Auschwitz, 70 ans après :27 janvier 1945- 27 janvier 2015

Le 26 janvier 2007 l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU) adoptait une résolution condamnant la négation du génocide des juifs par l'Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale. Ce texte, "engage vivement tous les Etats à rejeter sans réserve tout déni de l'Holocauste en tant qu'événement historique, que ce déni soit total ou partiel, ou toute activité menée en ce sens… les efforts visant à nier l'Holocauste, en ignorant l'historicité de ces terribles événements, accroissent le risque qu'ils se reproduisent".

Cette résolution parrainée par 104 pays, approuvée sans vote, isola l'Iran qui venait d’organiser les 11 et 12 décembre 2006 à Téhéran, d'une conférence sur l'Holocauste qui devint la tribune des négationnistes. Le président iranien de l’époque, Mahmoud Ahmadinejad, qui organisait la conférence qualifia l'Holocauste de "mythe" et de "fabrication".

La résolution présentée par les Etats-Unis a été notamment appuyée par l'Union européenne, le Canada, l'Australie, Israël, la Russie et la Turquie. Plusieurs Etats arabes, dont l'Egypte, n'ont pas eu d’objection à son adoption. Mais une vingtaine de nations étaient absentes lors de l'assemblée dont l'Arabie saoudite, l'Afrique du Sud, le Soudan, la Syrie et le Cambodge.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dans un communiqué "réaffirmait sa conviction que le déni de faits historiques comme l'Holocauste est inacceptable". La Maison Blanche condamna le "régime iranien qui cherche de façon perverse à remettre en cause le caractère historique de ces atrocités pour fournir une justification à la haine".

L'Iran en réponse par la bouche de Hossein Gharibi, ambassadeur iranien à l'ONU, a parlé d"une opération politique hypocrite…Il n'y a de notre point de vue aucune justification à quelque forme de génocide que ce soit, tout comme il ne saurait y avoir la moindre justification aux tentatives de certains - notamment du régime israélien - d'exploiter les crimes du passé comme prétextes à la mise en œuvre de nouveaux crimes et génocides", a déclaré. Hossein Gharibi a regretté l'absence de référence à d'autres génocides, "spécialement les crimes perpétrés à Hiroshima, Nagasaki, en Palestine, au Rwanda et dans les Balkans".

Dan Gillerman, ambassadeur d'Israël à l'ONU,  a répondu en séance : "Alors que les nations du monde sont réunies ici pour affirmer l'historicité de l'Holocauste avec l'intention de ne jamais permettre un nouveau génocide, un membre de cette assemblée acquiert les moyens d'en commettre un", en évoquant programme le nucléaire iranien. "Le président iranien est en train de dire : "Il n'y a jamais eu d'Holocauste mais, au cas où, nous allons finir le travail !"

 

Pour répondre aux attaques négationnistes,   faire le point sur le génocide des juifs par les Nazis:

  

(1) Le bilan du génocide et la nécessité d’établir des responsabilités :

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26893081.html

 

(2) Comment la mémoire de la 2ème Guerre fut en partie occultée en France ?

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26937837.html

 

(3) L’antisémitisme n’est pas mort avec la libération des camps, le négationnisme selon Rassinier et Darquier de Pellepoix.

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26946228.html

 

(4) Comment répondre au  négationnisme selon Darquier de Pellepoix ?

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26946679.html

 

(5) Comment répondre au  négationnisme selon Robert Faurisson ? Les arguments de l’historien Georges Wellers.

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26947689.html

 

(6) Les réponses de l’histoire face aux négationnistes :

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26954914.html

 

(7) Les contre-vérités de Garaudy et Le Pen à propos du négationnisme :

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26955324.html

 

(8) La réponse de l’ONU au président iranien Mahmoud Ahmadinejad qui soutient les négationnistes :

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26955495.html

 

(9) Le soutien de l’humoriste Dieudonné au négationniste Faurisson :

 http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26955705.html

  Et aussi :

 

§ une statue de Hitler dans le ghetto de Varsovie : Chronique d'une controverse

Une statue d’Hitler exposée dans le ghetto de Varsovie fait scandale 80 ans après l’arrivée du dictateur au pouvoir le 30 janvier 1933

 

§ un négationnisme à la façon japonaise :

LE NEGATIONNISME JAPONAIS FACE AUX CRIMES DE LA 2nde GUERRE: L'Unité 731

 

La libération d’Auschwitz vue par le cinéma des armées soviétiques

Présentation

Dès l'attaque allemande de juin 1941, l’opération « Barbarossa », les autorités d’URSS créèrent des équipes de tournage chargées de filmer les preuves des destructions et massacres de masse perpétrés par les armées nazies. Les objectifs sont multiples, d'abord servir la propagande auprès des populations d’URSS en suscitant l’émotion des spectateurs, informer l’opinion publique occidentale pour qu’elle soutienne la nécessité d’ouvrir un 2nd front en Europe de l’Ouest et enfin collecter des informations pour les futurs procès sur les violences nazies. Cependant ce n’est qu’à partir de l’avancée soviétique de 1943 que les méthodes d’extermination nazies sont peu à peu découvertes et répertoriées.

Dans la terminologie Soviétique les « camps de la mort » correspondent aux diverses pratiques nazies d’internement et de mise à mort (famine, épuisement, maladies) en des lieux multiples (villes, campagne, forêt) regroupant hommes, femmes, enfants, vieillards, délinquants, résistants, prisonniers de guerre, sans distinction d’origine (Biélorusses, Ukrainiens, Russes…) ni de religion (juifs, catholiques, orthodoxes…).

Le cinéaste soviétique Roman Karmen © RGAKFD

1- Le contexte :

Antonella Salomoni, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Calabre, spécialiste de la Russie et de l’URSS, a étudié le sort des Juifs qui tentèrent de fuir le gouvernement général (la Pologne occupée par les Nazis) pour se réfugier en URSS au début 1941 et furent refoulés car l’URSS de Staline craignait que leur accueil crée des « tensions de classe ». Aussi les médias officiels soviétiques occultèrent complètement les arrestations des juifs polonais, ce qui expliqua que les Juifs soviétiques n’eurent aucune conscience de ce qui les attendait après l’invasion allemande de juin 1941 (Opération Barbarossa). Ils ne tentèrent même pas de fuir. Après l’été 1941 les Soviétiques commencèrent à diffuser leurs informations sur le sort des juifs mais il était trop tard pour fuir

Suite à l’ouverture des archives soviétiques en 1995, les historiens (Altman, Berkhoff…) ont montré que Staline a su presque tout de suite, à l’été 1941, que les nazis tuaient systématiquement les Juifs soviétiques. À la différence des Britanniques, il accorde foi à ces sources, dès août 1941 un premier film réalisé à Moscou évoquait le massacre nazi des Juifs :  « Réunion des représentants du peuple juif » dans les actualités de Soiuzkinozhurnal.

Pour gommer des mémoires le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 et se poser en meneur du camp anti-fasciste, Staline autorisa la création du "Comité Juif antifasciste" qui, dès 1942, alerta sur l'extermination en cours pour mobiliser les communautés juives sur le continent américain.

En outre, si l’extermination fut menée par les Nazis, ceux-ci utilisèrent aussi leurs alliés roumains, ukrainiens [Voir Annexe 1 bis, John Demjanjuk] et Baltes – sensibilisés par la propagande allemande contre le « judéo-bolchevisme » et les préjugés antisémites antérieurs au Nazisme-. A partir de 1943 lorsque les Soviétiques entament la lente reconquête de l’Europe de l'Est, pour maintenir la fiction nationale, ils mirent en avant la souffrance du peuple soviétique victime de la barbarie nazie et non pas celle des Juifs soviétiques en particulier, considérés comme des victimes parmi d’autres… D’autre part, la position de Staline et de la bureaucratie soviétique envers les juifs reste très ambiguë après guerre comme le montra la dénonciation du soi-disant « complot des blouses blanches » fin 1952 contre des médecins juifs du Kremlin, accusés d’avoir voulu assassiné Staline.

Staline développa pour qualifier la 2nde Guerre la propagande autour de la "Grande Guerre Patriotique" qui n’accordait presque aucune place à l’évocation des persécutions spécifiques du génocide contre les juifs. Staline les mit en cause dès 1944, en dénonçant le « chauvinisme juif ». Après guerre les intellectuels du « Comité Juif antifasciste » sont systématiquement assassinés, la presse soviétique dénonce avec violence le « complot sioniste » soutenu par les EU, l’URSS stalinienne veut effacer des mémoires ce que fut le Nazisme à l’égard des juifs. L'antisémitisme redevient une composante du discours et de la pratique soviétiques.

A cette entreprise de réécriture de l’histoire,   - voir :

http://www.hgsavinagiac.com/article-reecrire-l-histoire-euthanasie-mort-misericordieuse-ou-mort-douce-bernard-kouchner-a-la-124066011.html

 - par la dictature stalinienne fait écho dans la plupart des discours des démocraties occidentales l'absence de reconnaissance de la spécificité du génocide juif.

Cette situation ambiguë dura jusqu’en 1961 ; à cette date eut lieu à Jérusalem, le procès d'Adolf Eichmann, organisateur de la «solution finale», qui reposa sur la déposition de 111 témoins, survivants des camps. Ce procès posa la question de ce que la philosophe Hannah Arendt appelle la «banalité du mal» (comment cet homme ordinaire est-il devenu criminel?) Pour la 1ère fois, la spécificité du Génocide juif est affirmée devant l'opinion internationale alors que  l’existence d’Israël reste menacée. Désormais la mémoire du Génocide juif devient constitutive de l’identité juive qui revendique la singularité absolue de la Shoah (= «catastrophe» en hébreu) parmi tous les génocides de l’histoire. Des associations s'organisent : en 1979 l'Association des fils et filles de déportés juifs de France -la FFDJF-, de  Béate et Serge Klarsfeld, pour l’application de la loi de 1964 sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité. Cela conduisit aux inculpations de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon.

On comprend alors comment et pourquoi la mémoire du génocide des juifs soviétiques ne dépassa pas celle de la communauté juive.

Le problème c’est que cette vision qui amalgame tous les camps va créer la confusion, tous les camps n’ont pas été des camps d’extermination comme le note pour Atlantico, l’historien Georges Bensoussan, responsable éditorial du Mémorial de la Shoah à Paris, « la communauté des historiens a mis très longtemps à comprendre la portée du génocide, son ampleur, et surtout le fait qu’il fallait dissocier le génocide du monde concentrationnaire. Pendant 15 ans après la libération des camps, nous avons fait un amalgame entre les deux car les témoignages que l’on a eu de la libération c’était l’image des camps de l’Ouest, c’est-à-dire la région concentrationnaire allemande. Or le génocide a eu lieu à l’Est, dans la zone libérée par les soviétiques. Et ceux-ci n’ont pas réalisé beaucoup d’images. Ils ont filmé Auschwitz, mais uniquement dans une mise en scène de la libération. »

Le cinéaste Alexander Vorontsov © RGAKFD

2- Les services cinématographiques de l’Armée Rouge

250 opérateurs des Services cinématographiques de l’Armée Rouge, sous l’uniforme soviétique vont filmer tous les théâtres d’opération en Europe de l’Est.

Au départ le matériel était lourd – de lourdes caméra sur pied - et de médiocre qualité, en fait les cinéastes soviétiques n’étaient pas prêts à assurer cette mission.

Les caméras portatives plus légères étaient rares, peu fiables et ne pouvaient être réparées qu’à Moscou, les optiques manquaient et le matériel de prise de son était presque inexistant. Cependant la caméra 35 mm, la KS-4, produite en URSS à partir de 1938 à l’usine de Leningrad, se distingue par sa maniabilité due à sa légèreté et sa poignée manuelle, par la robustesse de son moteur à ressort et ses trois objectifs (35, 50 et 75) permettant de changer de focale.

Caméra 35 mm, la KS-4 © RGAKFD

Il fallut attendre l’extension du « Prêt-bail » fourni par les EU à l’URSS en 1942 pour que l’équipement des cinéastes devienne plus performant.

Dans tous les cas, toutes les images tournées sont centralisées au Studio central d'Actualités à Moscou où les services de propagande assurent le montage, la sonorisation et les commentaires en fonction des utilisations prévues. Les cinéastes sont étroitement surveillés par la Direction politique de l'Armée rouge qui décide des lieux et des sujets à filmer.

Parmi les opérateurs soviétiques, Roman Karmen, Mark Troïanovski, Avenir Sofin, Rafaïl Guikov, Ilya Guttman, et des femmes comme Ottilia Reizman ou Maria Soukhova.

Les opérateurs Rafaïl Guikov et Ilya Guttman apportent leurs bobines au studio de Moscou pour développement en 1943 © RGAKFD

À l’été 1944, la progression soviétique devient plus rapide et les cinéastes de l’Armée Rouge filment les lieux des massacres quelques heures après leur réalisation ainsi que les opérations nazies pour effacer les preuves.

Un massacre inachevé : Klooga

http://filmer-la-guerre.memorialdelashoah.org/zooms/VID_CRI_F04.html

Libération du camp près d’Ozaritchi en Biélorussie.

http://filmer-la-guerre.memorialdelashoah.org/zooms/VID_CRI_D02.html

Pour couvrir ces prises de vues, les autorités soviétiques ont inséré le commentaire suivant : « Nous avons libéré notre terre patrie, nous avons libéré le peuple soviétique du joug nazi. Le 14 mars 1944, les soldats de l’Armée Rouge ont interpelé des soldats allemands en train d’amener des personnes dans un camp, près d’Ozaritchi. Le camp de la mort ! »

Les principaux camps d’extermination ont été liquidés pendant la guerre (Treblinka, Sobibor et Belzec). Le camp de Lublin-Maidanek, est vidé de ses détenus fin juillet 1944 en prévision de l’avancée de l’Armée rouge, tandis que le camp de Chelmno est incendié les 17 et 18 janvier 1945.

Treblinka en 1944, détruit après la Sonderaktion 1005 © RGAKFD

La découverte non planifiée des camps d’exterminationla libération des camps n’était pas un objectif stratégique de l’Armée Rouge - ouvrit une perspective nouvelle sur les brutalités nazies. L’importance de cette découverte conduit les Soviétiques à mettre en relief cette nouvelle démonstration de la barbarie nazie pour servir la propagande internationale de l’URSS: deux films furent consacrés à Majdanek et à Auschwitz.

Roman Karmen filme survivants de Maidanek ao 1944 © RGAKFD

3 – L’ouverture du camp d’Auschwitz

Les 27 et 28 janvier 1945 les troupes des 59e et 60e armées soviétiques commandées par le maréchal I. S. Konev, en liaison avec la 38e armée du général I.E Petrov qui conduisait l’opération Vistule/Oder, ont libéré les camps d'Auschwitz I et Auschwitz II - Birkenau au sud de la ville de Cracovie dans le cadre d'une offensive sur la rive gauche de la Vistule. [Voir Annexes 4&5] Les soldats soviétiques ont découvert sur place environ 600 corps de détenus, exécutés par les SS pendant l'évacuation du camp ou morts d'épuisement, ainsi que 7 000 déportés malades et mourants qui y avaient été abandonnés, ombres vivantes qui survécurent jusqu'à sa libération mais dont beaucoup succombèrent, à bout de forces, quelques heures ou jours plus tard. L'écrivain italien Primo Levi [Voir Annexe 2] décrit la situation à l'arrivée des libérateurs: « Nous nous trouvions dans un monde de morts et de larves. Autour de nous et en nous, toute trace de civilisation, si minime soit-elle, avait disparu. L'œuvre de transformation des humains en simples animaux initiée par les Allemands triomphants avait été accomplie par les Allemands vaincus. » ( Primo Levi, Si c'est un homme, Francfort, 1961, p. 178).

En fait le camp d’Auschwitz fut libéré au hasard des opérations. Quelques jours plus tôt, le 17 janvier 1945, les quelque 60 000 détenus encore aptes à marcher et valides furent emmenés par les Nazis vers l'Ouest, par route, à pied, vers d’autres camps de concentration allemands et autrichiens où les survivants furent dispersés. Au cours de ces « marches de la mort » [Voir Annexe 3] plusieurs centaines sont abattus sommairement ou meurent de fatigue. Andzej Strzelecki  estime à environ 15 000 le nombre de ceux qui n‘y survécurent pas.

C’est dans la même improvisation que les camps, situés à l’Ouest, sont libérés en avril 1945 par les États-Unis (Ohrdruf, Nordhausen, Buchenwald, Dachau, Mauthausen) et les Britanniques (Bergen-Belsen). Les soldats des armées alliées n’ont aucune consigne ni aucune équipe médicale spécialisée capable de secourir efficacement les détenus qui continuent à mourir, victimes des épidémies mais aussi d’indigestions provoquées par de la nourriture fournie trop vite par les soldats alliés.

Les Soviétiques dissimulèrent dans un premier temps leur découverte d’Auschwitz. Pour éviter les analogies avec les camps soviétiques du Goulag en Sibérie, ils restèrent d'abord  discrets sur le système concentrationnaire nazi. Mais au bout de quelques mois pour ne pas être dépassés par la propagande américaine ils mirent en avant la libération des camps d’Auschwitz et de Maïdanek. Avant leur fuite, à Auschwitz les Nazis firent sauter les fours crématoires et détruisirent la plupart des entrepôts. Mais dans ceux qui restaient les Soviétiques découvrirent les affaires personnelles des victimes, notamment plus de 800000 vêtements d’hommes et de femmes, plus de 7 tonnes de cheveux humains.

 

4- Comment filmer l’indescriptible ?

Les premières images soviétiques furent tournées seulement le 7 février, soit dix jours après l’entrée de l’Armée rouge, la correspondance entre les cinéastes présents aux camps d’Auschwitz et le Studio Central des Films Documentaire (TsSDF) à Moscou montre qu’ils ont dû demander des moyens d’éclairage à Moscou pour pouvoir tourner à l’intérieur des baraquements.

Les nombreux témoins affirmaient tous le caractère indescriptible de la réalité des camps [Voir Annexe 2 Le témoignage de Primo Levi]. Pour les cinéastes en quête du moyen de révéler à l’opinion publique internationale la vérité sur les camps, l’image parut comme le moyen privilégié pour transmettre cette réalité que les mots ne pouvaient traduire.

Mais selon ces cinéastes, les photographies et films pris à la libération des camps n’étaient pas à la hauteur de la mission de témoignage de cette réalité atroce entraperçue qui leur était assignée - Ces rares photographies ne furent publiées que plusieurs années après la libération -.

Il faut bien prendre en compte ce qu’est le cahier des charges des actualités et documentaires soviétiques : faire un film pour une diffusion populaire, axé sur les émotions, et non pas seulement collecter des preuves.

Il y avait peu de survivants au moment de la libération d’Auschwitz. Le film tourné dans le camp de la mort insiste sur cette réalité en montrant des jumeaux juifs, le commentaire explique qu’ils n’ont survécu que parce qu’ils étaient réservés pour les expériences médicales du docteur Mengele et des médecins de la mort nazis.

Les cinéastes soviétiques ont filmé les entassements des vêtements des morts – parmi les rushes montés par Elizaveta Svilova, compagne de Dziga Vertov, un plan montre une pile de taleschâles de prière juifs –, écarté au montage. Le fait que les opérateurs aient osé filmer cette image démontrant la spécificité du sort des Juifs à Auschwitz est étonnant.

Ces images soviétiques permettent aujourd'hui de prendre en compte les positions de critiques américains comme Judith E. Doneson (The Holocaust in American Film, 2002) qui dénoncent la tendance apparue dans les années 1950 à « américaniser » la Shoah, c'est à dire des récits optimistes et des images montrant les civils du voisinage défilant devant les tas de cadavres pour leur faire prendre conscience de la réalité des camps. Cette « américanisation » a conduit à surestimer les sources anglophones qui étaient les moins précises sur les camps d’extermination surtout situés dans les zones libérées par l’Armée Rouge. En outre elle a conduit – de façon erronée- les négationnistes à étayer leur thèse de l’invention de la Shoah par des services secrets américains favorables à la création de l’Etat d’Israël.

L'Armée américaine oblige les civils allemands à découvrir les victimes des camps

Ce sont ces raisons, cette quête maladroite de la vérité à transmettre, qui incitèrent les photographes à demander aux déportés de composer tableaux et épisodes pour re-filmer une libération reconstituée. Ces images conceptualisées, pensées pour témoigner et accuser, hautement significatives, eurent la faveur de la presse par rapport aux clichés bruts saisis sur le vif, considérés comme trop peu explicites. Ces images recréées furent même montrées aux procès qui s’ouvrirent après-guerre et ensuite à Nuremberg.

A Auschwitz, la libération du camp donna lieu à une véritable mise en scène plusieurs jours après l’ouverture réelle l’après-midi du 27 janvier 1945.

La libération d'Auschwitz reconstituée par les cinéastes des armées soviétiques

Le commandant Alexander Vorontsov pendant la guerre et dans les années 1990

C’est le commandant Alexander Vorontsov qui a filmé cette libération dans les jours qui ont suivi, sous la forme d'une reconstitution avec des déportés : l'accueil des "libérateurs", les déportés derrière les grillages, les femmes dans une baraque. Des extraits sont utilisés par Alain Resnais dans Nuit et Brouillard.

Les cinéastes Soviétiques ne furent pas les seuls à utiliser ce procédé de mise en scène : le 7 mai 1945, à Mauthausen fut organisée pour les photographes américains une reconstitution de l’arrivée des soldats américains accueillis par des déportés en liesse. Des photographies « posées » furent réalisées par des photographes anglo-saxons comme Margaret Bourke-White à Buchenwald.

 

Même tournées plus tard, certaines scènes filmées à Auschwitz présentent de véritables victimes des nazis, des détenus apathiques et squelettiques derrière les barbelés, des enfants soulevant la manche de leur paletot pour montrer leur bras tatoué. Ces enfants n’avaient pas été gazés tout de suite car ils étaient gardés pour des expériences pseudo-médicales. On voit également l’intérieur des baraques et les réserves de souliers, valises, etc. Contrairement aux cadavres des fosses, l’origine juive des victimes n’est pas dissimulée car on voit des châles de prière, des objets religieux et des vêtements portant l’étoile jaune.

Dès la fin 1941 les soviétiques sont informés sur le sort des juifs en zone occupée mais ont du mal à trancher entre deux positions : soit évoquer le sort des Juifs au risque d’utiliser des critères raciaux qu’ils veulent combattre, soit ne pas en parler pour ne pas accréditer dans le peuple russe l’idée que les nazis « ne s’en prendraient qu’aux Communistes et aux Juifs » et donc limiter la mobilisation des Russes contre les Nazis.

Reconstitutions soviétiques de la libération des enfants et des femmes à Auschwitz

Mais pour les services cinématographiques soviétiques, tout cela ne paraît pas suffisamment évocateur de l’horreur des camps. À Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka, aucun aspect du décor, ne permettait d’imaginer qu’1,8 million de personnes y sont mortes car les SS avaient détruit les dispositifs de mise à mort. À Auschwitz-Birkenau, les derniers crématoires furent détruits en décembre 1944. Le dispositif d’extermination du camp de Maïdanek et les montagnes d’effets personnels retrouvés là et à Auschwitz-Birkenau étaient les seules preuves visuelles de la mort industrielle. Aussi des scènes pédagogiques visant à expliquer les conditions de vie dans le camp furent tournées peu après la libération du camp, en outre un film de propagande montrant une libération aux allures épiques a été tourné plusieurs semaines après.

Pour ce film on demanda aux prisonniers - qui avaient déjà reçu les premiers soins - de remettre leurs tenues carcérales et on fit aussi appel à des habitants de la région. Sur le film, l’état apparent des prisonniers n’apparaît pas aussi dégradé que le disent les témoins - ceux qui restaient dans le camp au moment de son ouverture étaient des grands malades et des vieillards -.

Les cinéastes soviétiques ont donc procédé à des reconstitutions maladroites. L’une montre des détenus pleins d’énergie accueillant les soldats russes avec force vivats et hourras.

Recosntitution de la libération d'Auschwitz

L’autre scène montre des femmes âgées et relativement bien nourries installées sur les coyas (1) dans une baraque. Images reconstituées et fausses car dans la réalité d’Auschwitz les femmes âgées (comme les hommes de même génération) étaient envoyées directement à la chambre à gaz dès leur arrivée. Ces deux extraits ont été coupés au montage mais sont repris à l’exposition du Mémorial de la Shoah 2015 sur le cinéma d’URSS : « Filmer la guerre : les Soviétiques face à la Shoah ». Ces tournages «complémentaires» furent autorisés car les reportages militaires ne permettaient pas une mise en forme satisfaisante selon l’Office cinématographique central de Moscou. Les cinéastes ont fait appel à des Polonaises brièvement internées dans le camp à la suite de l'insurrection de Varsovie, afin de peupler les baraques vides et porter remède au retard des opérateurs lors de la libération, le manque de pellicule, l'absence d'éclairage...

http://www.youtube.com/watch?v=rcOqDyuzk9U

http://www.youtube.com/watch?v=caEmG0nZLw0

http://www.youtube.com/watch?v=uleRSq6Mhn8

  1. Coya, coja ou coïa : châlit, lits à trois étages, avec grabats pour 2 ou 3 personnes, sur des paillasses remplies de copeaux de bois et 2 couvertures usées jusqu’à la corde et jamais désinfectées. [De l’allemand Koje ou du polonais Koja, Schlafkoje – couchette dans un navire, lits superposés (en allemand standard Barackenpritsche.)]

Baraquements de femmes - reconstitution soviétique -

Aurélia Vertaldi dans le Figaro parle d’images ambiguës « très éloignées de la réalité: détenus bien portants en liesse, femmes des environs venant interpréter près de deux mois après, le rôle des recluses dans les baraques, ou - moins loin du réel - détenus de Maidanek posant derrière les barbelés. Mise en scène et reconstitutions des semaines après la libération des camps sont de mises. Plusieurs raisons peuvent être avancées: le manque de pellicule et d'éclairage pour filmer à Auschwitz contraint de différer les prises de vues et amène à faire rejouer certaines scènes. Mais l'intention est également de donner une vision valorisante de l'Armée rouge grâce à laquelle des vies ont été sauvées ».

 

La recherche d’une pédagogie de l’horreur et le photo-témoignage convergèrent dans une construction du réel et une« mise en situation » d’anciens déportés.

Dès janvier 1995, Gérard LEFORT dans Libération évoquait deux vertiges :

« Premier vertige: il s'agissait d'une reconstitution. En effet, pour les besoins de la propagande, il fallait que les vaillants troufions soient accueillis comme on accueille d'ordinaire les libérateurs dans les publicités pour la guerre: avec force accolades, sourires et bouquets de fleurs. Mais parce que, évidemment, ils ne tenaient pas debout et n'avaient plus la force musculaire d'extérioriser quoi que ce soit, les survivants d'Auschwitz furent remplacés par des figurants réquisitionnés dans la population polonaise environnant le camp. Il a donc fallu qu'ait lieu l'impensable: l'ébauche d'un casting (certains «acteurs» furent-ils récusés parce que trop gras?), le choix esthétique de filmer avec trois caméras, donc le choix de faire des plans (panoramiques, moyens, rapprochés) et, finalement, l'idée d'organiser un minimum de mise en scène: l'ont-ils refaite, et combien de fois, cette scène où l'on voit les portes d'Auschwitz s'ouvrir aux soldats soviétiques?

Deuxième vertige: les services de la propagande soviétique renoncèrent à diffuser ces images. Quand on sait de quelles impostures cette propagande était coutumière et de quels goulags l'URSS était elle-même capable, on se dit qu'il aura donc suffi qu'on les tourne pour que ces images fausses deviennent intolérables et, partant, instantanément auto-destructibles et irregardables. Découvertes aujourd'hui, accompagnées de leur mode d'emploi, ces images agissent en tout cas comme un formidable avertissement prémonitoire à l'adresse de tous les futurs Spielberg de la Shoah: sur l'Holocauste, il n'y a pas de fiction tenable qui ne soit pas aussitôt un film de propagande. »

Prisonniers derrière des barbelés à Auschwitz - Reconstitution soviétique.

Parmi ces documents mis en scène, une photographie de prisonniers derrière des barbelés, l’air hagard et inquiet, attendant le libérateur, est devenue emblématique ; le commentaire du film qui l’accompagne la présente comme une scène filmée à l’arrivée dans le camp, alors qu’à l’évidence, elle a été réalisée après. Sur cette photographie, la neige a disparu, pansements et vêtements, couvertures, indiquent que des premiers soins ont été donnés.

Cette image fabriquée fut reproduite, retravaillée, stylisée, traitée comme un instrument d’histoire et de mémoire parlant de lui-même, qui fixerait sur la pellicule l’instant précédant l’ouverture du camp, moment clé de la victoire sur la barbarie nazie. Mais on le sait aujourd'hui cette photographie n’avait rien de cette instantanéité qu’elle devait évoquer. Et malgré tout ce cliché est devenu une des « icônes » de la Shoah comme le montre la une du Nouvel Observateur en 2005 pour le 60ème anniversaire de l’ouverture du camp d’Auschwitz.

La une du Nouvel Observateur en 2005 pour le 60ème anniversaire de l’ouverture du camp d’Auschwitz..

L’historienne Marie-Anne Matard Bonucci, dans la revue Le Temps des médias 2005/2, évoquait « les usages de la photographie par les médias dans la construction de la mémoire de la Shoah », « dans la presse ou les brochures et livres témoins publiés dans l’après-guerre, les photographies de camps de la mort furent probablement à l’origine d’une prise de conscience « émotionnelle » sur ce qu’avait pu être l’univers concentrationnaire. Elles contribuèrent davantage à sensibiliser et à dénoncer qu’à instruire véritablement le dossier de la déportation et de la Shoah ».

Il apparaît aujourd'hui préjudiciable que plusieurs photographies, copies d’écran du film soviétique reconstituant la libération d’Auschwitz, soient devenues emblématiques de la mémoire de la Shoah. Elles peuvent conduire à un sentiment de trucage de la mémoire qui vient renforcer les arguments d’un négationnisme pourtant sans fondement.

Dans la presse d’après-guerre, pour presque tous les journalistes français, les photographies de camps apparaissent interchangeables. Cet anonymat des photos est accru par le fait que l’auteur et les droits ne sont presque jamais donnés. Ainsi, les photos ont pour but d’uniformiser l’info sur les camps au lieu de la singulariser et deviennent des sortes d’icônes représentatives de la barbarie nazie. En 1946, lorsque l’Office français d’édition publia l’ouvrage Camps de concentration - tiré à des milliers d’exemplaires - à partir d’une centaine d’interviews et de dizaines de documents sur la déportation ; il comportait en appendice environ 60 photographies qui n’avaient aucune précision de lieux ni légendes explicatives. On se contentait de présenter l’horreur « en bloc ».

 

Ainsi apparaît-il que les images des camps d'extermination qui nous viennent en mémoire, concernent en fait des camps de concentration : le génocide est presque sans image. C'est pourquoi Claude Lanzmann avait en 1984 refusé d'utiliser les images d'archives et fait, dans son film Shoah, le choix politique et esthétique de montrer ce qu'étaient les camps au moment du tournage et de donner la parole aux témoins de l’époque.

L'œuvre de Claude Lanzmann (réalisée entre 1976 et 1985) est emblématique, par son titre même (« Shoah » est un mot hébreu qui signifie désastre, catastrophe, désolation), de la volonté de mettre en évidence la spécificité irréductible du génocide juif et du réveil de la mémoire juive du génocide. Pour représenter l'irreprésentable, Lanzmann renonce à utiliser des documents d'archives parfois contestables, il filme les camps tels qu’ils ont été conservés en 1986, il interroge à l'époque actuelle les témoins survivants de tous bords, des anciens déportés, des nazis ou des collaborateurs, avant leur disparition. Ce film qui dure 9 heures présente l'horreur de la Shoah par la force des témoignages et du récit des événements dans les lieux mêmes où ils se sont déroulés. « Shoah est un film qui traite du témoignage [...]. La nécessité du témoignage qu'il affirme dérive en réalité, tout à fait singulièrement, de l'impossibilité de témoignage que le film dramatise en même temps. [...] Dans sa prise en charge de l'Holocauste en tant qu'événement-sans-témoin, … le témoignage achoppe sur l'impossibilité de raconter, et en même temps nous dit cette impossibilité. » ( S. Felman, dans Au sujet de Shoah, Belin, 1990.)

Oskar Gröning en 1942 et en 2014 (Co) Bild Zeitung

Le témoignage d’un des derniers gardiens d’Auschwitz le démontre, il ne songe pas à nier l’existence de la Shoah, plus encore l’ancien SS Oskar Gröning dénonce les tromperies des négationnistes.

 

Le Paris-Match N° 3317 du 28 janvier 2015 publiait un article d’Anne Vidalie sur « Oskar Gröning, accusé et témoin.»[Voir Annexe 1] A 93 ans, cet ancien garde SS d'Auschwitz va être jugé par l'Allemagne pour complicité dans le génocide. L'ex-sergent SS avait déjà eu par deux fois affaire à la police ; en janvier 1978, dans le cadre de l'enquête lancée contre lui et 61 anciens membres du service de gestion des avoirs des prisonniers d’Auschwitz. Mais les poursuites sont abandonnées en mars 1985. En novembre 1984, il est de nouveau entendu, comme témoin cette fois, à l'occasion des poursuites engagées contre l'un de ses anciens compagnons d'armes, Martin Gottfried Weiss, sergent SS accusé du meurtre de cinq prisonniers. A chaque fois Oskar Gröning raconte en détail la collecte des maigres biens des déportés et l'organisation précise du bureau des devises, il ne cache rien, ni de son rôle, ni de son parcours au sein de la SS. Il pensait en être quitte avec l'Histoire, mais celle-ci le rattrape en 1985, à l'occasion de l'assemblée annuelle de son club philatéliste, ce passionné de timbres discute politique avec un autre collectionneur. Celui-ci s'insurge : « C'est incroyable qu'il soit aujourd'hui interdit, sous peine de poursuites pénales, de mettre en doute l'Holocauste, alors qu'il n'a jamais eu lieu ! »

Gröning est sidéré. Il se procure un livre recommandé par son interlocuteur, « Le Mensonge d'Auschwitz » - Ouvrage du négationniste et ancien SS Thies Christophersen- , qu'il lui envoie dûment annoté. « J'ai tout vu, affirme- t-il en substance. Comment les juifs ont été poussés vers les chambres à gaz. Comment leurs corps ont été jetés dans les fours crématoires. J'y étais. » Six mois plus tard, ses commentaires sont publiés dans le courrier des lecteurs du journal néonazi La Paysannerie. On l'appelle, on lui écrit pour lui marteler qu'il se trompe, qu'on n'a pas exterminé un million de juifs à Auschwitz.

Fraîchement retraité, Gröning rédige un témoignage de 87 pages. Son histoire devient publique, c’est celle d'un fervent nazi qui a répudié ses convictions d'hier pour épouser les valeurs de la République fédérale, d'un Allemand ordinaire, qui hanté par ses souvenirs cherche la rédemption. Employé au bureau des devises, Oskar a été aussi chargé à l'arrivée des convois de surveiller les bagages abandonnés par les déportés. La première fois, une scène l'horrifie : un soldat SS empoigne par les pieds un bébé abandonné au milieu du capharnaüm et lui fracasse la tête contre la paroi métallique d'un camion. Le lendemain, Gröning demande son transfert. En vain. 40 ans plus tard Oskar Gröning, hanté par son passé s'est mis à parler, à raconter, à expliquer, à s'interroger, aussi, sur sa part de culpabilité. Voit-il son futur procès comme une dernière possibilité d'exprimer ses regrets ? Comme une chance de trouver, enfin, la paix?

En tout cas ce témoignage d’un garde d’Auschwitz remettant en cause les positions négationnistes est d’un grand poids dans la balance de l’histoire de la Shoah.

Pour essayer de conclure :

 

Ecoutons l’historienne Valérie Pozner, chercheuse au CNRS, spécialiste de l’histoire du cinéma russe et soviétique, qui a participé à l’exposition 2015 du Mémorial de la Shoah à Paris : « Nous avons voulu établir l’importance de ces images oubliées, les contextualiser, en montrer la complexité. … On reproche aux Soviétiques d’avoir mis en scène des plans à Auschwitz, mais on oublie de dire que ces plans n’ont jamais été montés. On oublie aussi de rappeler que les Américains ont également fait de la reconstitution, notamment à Mauthausen. De même, on ne peut nier… l’authenticité de la plupart de ces documents. La vérité est que l’ensemble de ces images constitue une trace irréfutable et sans équivalent de ce que fut la Shoah à l’Est. »

Ces images ont aujourd'hui, dans un contexte de renaissance des violences antisémites, à nous parler. Et d'abord parce que les nazis ont voulu les détruire et qu’elles n’existent qu’en nombre limité. Dès les débuts de l'extermination ils mirent en œuvre des moyens conséquents pour en faire disparaître les traces. Ils le firent avant même que le risque de la défaite se profile, comme s'ils avaient eu peur du regard du monde et des réactions qu'elles étaient susceptibles de provoquer. (Voir les oppositions au programme T4 =

http://hgsavinagiac.com/article-reecrire-l-histoire-euthanasie-mort-misericordieuse-ou-mort-douce-bernard-kouchner-a-la-124066011.html  )

Il apparaît que les bourreaux nazis qui s’ingéniaient à détruire la dignité humaine des Juifs, même à l’apogée de leur puissance, craignaient les sursauts de la conscience humaine, de l'universalisme des droits de l’homme au réveil prévisible.


 

 

Sitographie :

http://filmer-la-guerre.memorialdelashoah.org/sovietiques/documenter/introduction.html

http://filmer-la-guerre.memorialdelashoah.org/sovietiques/documenter/documenter.html#capter

http://www.enseigner-histoire-shoah.org/outils-et-ressources/fiches-thematiques/les-grandes-etapes-de-la-shoah-1939-1945/la-liberation-des-camps.html

http://www.atlantico.fr/decryptage/70eme-anniversaire-liberation-auschwitz-que-historiens-ont-appris-ces-dernieres-annees-shoah-georges-bensoussan-1975062.html

http://clioweb.canalblog.com/archives/2015/01/25/31421794.html

http://www.cercleshoah.org/spip.php?article418

http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2015/01/27/03015-20150127ARTFIG00370-les-images-ambigues-des-sovietiques-qui-ont-libere-les-camps.php

http://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2015/01/27/

http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2005-2-page-9.htm
http://blogs.mediapart.fr/blog/segesta3756/280115/70e-anniversaire-de-la-liberation-des-camps-d-auschwitz-birkenau-par-l-armee-rouge-les-27-et-28-jan

https://sfi.usc.edu/news/2015/01/8451-finding-children-behind-barbed-wire

http://www.liberation.fr/culture/1995/01/23/varietes-auschwitz-a-l-image_118973

http://www.huffingtonpost.fr/2015/01/27/anniversaire-70-ans-liberation-aushwitz-memorial-shoah-expo-filmer-la-guerre_n_6547660.html

http://www.lemonde.fr/cinema/article/2015/01/17/la-shoah-dans-l-il-des-sovietiques_4558369_3476.html

http://1895.revues.org/3799

http://blogs.mediapart.fr/blog/albert-herszkowicz/260115/auschwitz-libere-70-ans-apres-se-souvenir-et-combattre

http://www.liberation.fr/monde/2015/01/26/auschwitz-est-une-metonymie-pour-tout-mais-quel-tout_1189284

http://www.lepoint.fr/culture/jerry-lewis-un-clown-a-auschwitz-27-01-2015-1900052_3.php

 

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Auschwitz

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma_et_Shoah

http://fr.wikipedia.org/wiki/Camps_de_concentration_nazis

http://www.leparisien.fr/informations/pour-les-survivants-d-auschwitz-l-horreur-est-toujours-la-23-01-2015-4472499.php

http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/27/wilhelm-brasse-photographe-de-l-horreur

http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150125.AFP6516/auschwitz-70-ans-apres-un-liberateur-de-l-armee-rouge-se-souvient-de-l-horreur.html

http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/auschwitz/video-ce-que-j-ai-vu-a-auschwitz-etait-epouvantable_807141.html

 

Le film soviétique sur la libération d’Auschwitz :

Plusieurs extraits sont disponibles sur Internet Archive
https://archive.org/details/SovietPropagandaMovieAuschwitzLiberation
https://www.youtube.com/watch?v=_RIkcrdIX9E

Ils sont aussi exploités dans cette vidéo de 52 minutes
The Liberation of Auschwitz (includes 1945 original Red Army footage)
https://www.youtube.com/watch?v=0V0RMf2qU18

Les reconstitutions :

http://www.dailymotion.com/video/x2eti2c_filmer-la-guerre-les-sovietiques-face-a-la-shoah_news

 

Alain Resnais, Nuit et Brouillard :
http://www.tagtele.com/videos/voir/53810
http://www.tagtele.com/videos/voir/53819

Roman Karmen filme des survivants de Maidanek en août 1944 © RGAKFD

ANNEXES :

 

ANNEXE 1 : Oskar Gröning, accusé et témoin

A 93 ans, cet ancien garde SS d'Auschwitz va être jugé par l'Allemagne pour complicité dans le génocide. Histoire d'un auxiliaire de la Solution finale qui, hanté par son passé, s'est décidé à le raconter. Par Anne Vidalie Paris-Match N° 3317 / 28 janvier 2015

Oskar Gröning entrera peut-être dans les livres d'histoire. Au chapitre consacré aux horreurs d’Auschwitz figurera la photo d'un grand blond à lunettes, sanglé dans son impeccable uniforme vert-de-gris, calot à tête de mort incliné sur l'oreille droite. « Le dernier soldat SS jugé par l’Allemagne soixante-dix ans après la guerre », indiquera la légende. Dans quelques mois, l'ancien sergent, âgé de 93 ans aujourd'hui, affrontera les juges de la cour d'assises de Lüneburg, en Basse-Saxe. L'acte d'accusation dressé contre ce vieillard au corps usé glace le sang : Oskar Gröning, né le 10 juin 1921, est soupçonné de complicité dans l'assassinat des 300000 juifs hongrois jetés dans les chambres à gaz dAuschwitz au cours de l'« Opération Hongrie », entre mai et juillet 1944.

Le nonagénaire, veuf depuis quelques années, coulait des jours tranquilles à Schneverdingen, dans le parc naturel de la Lüneburger Heide, vaste lande bucolique, piquetée de genévriers et de bouleaux. Le 3 septembre 2013, il a compris que cette paisible retraite touchait à sa fin. Ce jour-là, l'Office central pour l'élucidation des crimes du national-socialisme annonce urbi et orbi avoir transmis à la justice les dossiers de 30 gardes présumés du camp d'extermination dAuschwitz. 30 hommes et femmes, âgés de 87 à 97 ans. Les derniers survivants des 9500 soldats et auxiliaires SS qui, selon l'Institut polonais de la mémoire nationale, ont officié à l'ombre des fours crématoires. Le sergent Gröning est l'un d'eux. D'octobre 1942 à octobre 1944,il a comptabilisé les devises étrangères soustraites aux déportés acheminés des quatre coins de l'Europe. Il a monté la garde sur le quai à l'arrivée des convois, également.

L'ex-sergent SS pensait en avoir fini avec la justice des hommes. Deux fois déjà, il a eu affaire à la police. En janvier 1978, les enquêteurs l'interrogent dans le cadre de l'enquête lancée contre lui et 61 anciens membres du service de gestion des avoirs des prisonniers d’Auschwitz. Mais les poursuites sont abandonnées en mars 1985. En novembre 1984, il est de nouveau entendu, comme témoin cette fois, à l'occasion des poursuites engagées contre l'un de ses anciens compagnons d'armes, Martin Gottfried Weiss, ex-sergent SS accusé du meurtre de cinq prisonniers. Aux uns et aux autres, Oskar Gröning raconte en détail la collecte des maigres biens des déportés et l'organisation millimétrée du bureau des devises. Il ne leur cache rien. Ni de son rôle ni de son parcours au sein de la SS. « Intérieurement, je n'approuvais pas les mesures d'extermination, alors même que je n'étais pas directement partie prenante », tient-il à préciser en 1978.

 

« J'ai tout vu, affirme-t-il en substance. J'y étais. »

Le retraité de Basse-Saxe pensait être quitte avec l'Histoire, aussi. En 1985, à l'occasion de l'assemblée annuelle de son club philatéliste, ce passionné de timbres discute politique avec un autre collectionneur. Celui-ci s'insurge :

« C'est incroyable qu'il soit aujourd'hui interdit, sous peine de poursuites pénales, de mettre en doute l'Holocauste, alors qu'il n'a jamais eu lieu ! » Gröning est sidéré. Il se procure un livre recommandé par son interlocuteur, « Le Mensonge d'Auschwitz » - Ouvrage du négationniste et ancien SS Thies Christophersen.- , qu'il lui envoie dûment annoté. « J'ai tout vu, affirme- t-il en substance. Comment les juifs ont été poussés vers les chambres à gaz. Comment leurs corps ont été jetés dans les fours crématoires. J'y étais. » Six mois plus tard, ses commentaires sont publiés dans le courrier des lecteurs du journal néonazi La Paysannerie. On l'appelle, on lui écrit pour lui marteler qu'il se trompe, qu'on n'a pas exterminé 1 million de juifs à Auschwitz.

Fraîchement retraité, Gröning décide de raconter à ses deux fils, Gerhard et Wolfgang, tout ce qu'il ne leur a jamais dit - la guerre, son engagement dans la SS. Auschwitz -. Pour eux, il rédige un témoignage de 87 pages. Gerhard, l'aîné, avocat à Hambourg, ne bronche pas- Wolfgang, le cadet, philologue, griffonne quelques interrogations dans la marge. Leur père reprend sa machine à écrire pour tenter de répondre. Il distribue cette nouvelle version à ses proches, à ses amis. Pourtant, nul ne lui pose de questions, ne lui demande des explications. Alors, en 2003, Oskar Gröning accepte de rencontrer une équipe de la BBC, la chaîne télévisée britannique, qui tourne un documentaire ; Auschwitz.. Les nazis et la « solution finale », documentaire diffusé en 2005. L'auteur, Laurence Rees, en a tiré un livre passionnant qui porte le même titre (Le Livre de poche). - Son histoire, désormais, sera publique. L'histoire d'un fervent nazi qui a répudié ses convictions d'hier pour épouser les valeurs de la République fédérale, d'un Allemand ordinaire, taraudé par ses souvenirs, qui cherche la rédemption.

Dans la famille Gröning, on est ultra-nationaliste de père en fils. Le grand-père a servi dans un bataillon d'élite du duché de Brunswick. Après l'amère défaite allemande de 1918, le père, Bruno, ouvrier qualifié du textile, a re-joint les rangs du Stahlheim (Casque d'acier), une organisation paramilitaire d'anciens combattants. Le petit Oskar et son frère aîné, Gerhard, orphelins de mère, entrent dans le mouvement de jeunesse du Stahlheim, puis dans les Jeunesses hitlériennes. Ils apprennent vite à haïr le traité de Versailles et les réparations exigées de l’Allemagne, la république de Weimar et la démocratie. Les juifs, aussi, dont on leur explique qu'ils sont coupables de la débâcle de l'Empire. Pourtant, à Nienburg, entre Brême et Hanovre, la maison des Gröning jouxte la quincaillerie d'une famille juive, les Selig. Oskar adore jouer aux billes avec leur fille, Anne.

 

Dans les Waffen SS, le jeune Oskar choisit le travail de bureau...

Quand la guerre éclate, le jeune homme est apprenti à la Caisse d'épargne de Nienburg et membre du parti nazi depuis deux jours. Galvanisé par les premières victoires, il veut rejoindre le corps d'élite des Waffen-SS, dont il admire tant l'uniforme noir et la fidélité absolue au Führer. D'abord versé dans les troupes motocyclistes de la division Das Reich. il est rapidement transféré dans l'administration comme comptable. Oskar préfère le travail de bureau. A l'automne 1942, il reçoit une nouvelle affectation. Une mission difficile et ultrasecrète dont dépend la victoire du peuple allemand, lui assure-on. On lui rappelle la devise des SS, gravée sur la boucle de son ceinturon : « Mon honneur s'appelle fidélité. »

Un soir d'octobre, Gröning débarque à Auschwitz. L'ordinaire y semble meilleur qu'ailleurs. De jolies couettes à carreaux agrémentent la literie des soldats. Ses nouveaux camarades partagent avec lui sardines à l'huile, lard, vodka et rhum. Il a rejoint, lui disent-ils, « un camp de concentration d'un type particulier ». Il comprend vite pourquoi :

« Ce fut un choc, confiera- t-il aux journalistes de la BBC. Sur le coup, ça ne passait pas. Mais vous ne devez pas perdre de vue que nous nous étions convaincus, par notre vision du monde, de l'existence d'une grande conspiration juive contre nous. [...] Il fallait éviter que les juifs nous plongent dans la misère. » Par tous les moyens, y compris en exterminant hommes, femmes et enfants.

Employé au bureau des devises, Oskar est chargé quelques semaines plus tard de remplir une tâche supplémentaire : à l'arrivée des convois, il doit surveiller les bagages abandonnés par les déportés. La première fois, il assiste à une scène qui l'horrifie : un soldat SS empoigne par les pieds un bébé abandonné au milieu du capharnaüm et lui fracasse la tête contre la paroi métallique d'un camion. Le lendemain, Gröning demande son transfert. En vain. Les « excès » dont il a été témoin, lui explique son supérieur, ne sont qu'une intolérable « exception ». Le jeune SS renouvellera sa requête après s'être risqué dans les parages des chambres à gaz, une nuit où il était de service, et avoir observé fugitivement la crémation de corps entassés dans une fosse. Mais on ne quitte pas Auschwitz si facilement.

Son frère, Gerhard, sous-officier de la Wehrmacht, est tué à Stalingrad en novembre 1942. Quelques mois plus tard, Oskar épouse la fiancée de celui-ci, Irmgard, responsable locale de la Ligue des jeunes filles allemandes, la branche féminine des Jeunesses hitlériennes. Les jeunes mariés baptiseront leur premier-né Gerhard.

Gröning s'installe dans la routine d’Auschwitz. Tout à son travail, il évite de regarder ce qu'il ne veut pas voir. Au fond, la vie est plutôt agréable dans le camp principal, qui abrite l'administration. Promu brigadier, puis sergent, il se fait des amis, fréquente le cinéma, le théâtre et le club de sport. Il donne toute satisfaction, comme en témoigne l'attestation qui lui est délivrée à son départ, en octobre 1944. Son caractère est jugé « sain », ses convictions «solides».

 

En Angleterre, le prisonnier mène une existence « très confortable ».

Le sergent Gröning rejoint une unité SS qui combat les Alliés dans les Ardennes. Le 10 juin 1945, le jour de son 24e anniversaire, il est fait prisonnier par les Anglais près de la frontière danoise. D'abord interné dans un ancien camp de concentration, il est condamné aux travaux forcés et transféré en Angleterre l'année suivante. Il mène, de son propre aveu, une existence « très confortable ». Il est bien nourri, gagne un peu d'argent et chante dans une chorale. Avec celle-ci, il part en tournée dans les Midlands et en Ecosse où les spectateurs accueillent les Allemands à bras ouverts, se disputant pour leur offrir gîte et couvert.

Libéré en 1948, il retrouve son épouse, Irmgard, et sa ville natale de Nienburg. Son appartenance à la SS lui interdisant une carrière bancaire, il se fait embaucher comme gestionnaire des salaires dans la verrerie locale. Employé zélé, il y fera toute sa carrière, grimpant les échelons jusqu'à celui de directeur du personnel. Citoyen modèle, il est aussi juge bénévole auprès du tribunal du travail. L'été, la famille passe ses vacances à Usedom, une île de la mer Baltique que l'Allemagne et la Pologne se partagent depuis 1945. Les Gröning ne parlent pas du procès d’Adolf Eichmannje, le logisticien de la Shoah, à Jérusalem en 1961, ni des membres du personnel d'Auschwitz jugés à Francfort entre 1963 et 1981. Ils ne regardent pas Holocaust, la série diffusée en 1978 qui bouleverse l'Allemagne.

Oskar Gröning a fini par comprendre que son passé ne cesserait de le hanter. Alors, il s'est mis à parler, à raconter, à expliquer, à s'interroger, aussi, sur sa part de culpabilité. Voit-il son futur procès comme une dernière possibilité d'exprimer ses regrets ? Comme une chance de trouver, enfin, la paix? Ou bien comme une injustice faite à un homme qui a su sortir du silence avant qu'il ne soit trop tard ? Ni lui ni son avocat n'ont accepté de répondre à L'Express.

John Demjanjuk, ancien gardien ukrainien au camp d'extermination de Sobibor- Co Reuters

Annexe 1 bis : UNE JUSTICE ALLEMANDE TARDIVE Paris-Match N° 3317 / 28 janvier 2015

Un principe simple a longtemps été appliqué par la justice allemande : les tribunaux ne jugeaient que les criminels nazis dont la participation directe à un meurtre pouvait être prouvée. En 2011, la cour d'assises de Munich bouleverse cette jurisprudence. Elle condamne John Demjanjuk, ancien gardien ukrainien au camp d'extermination de Sobibor, à cinq ans de prison pour complicité dans l'assassinat de 27 900 juifs. Même les plus petits rouages étaient indispensables au bon fonctionnement de la machine à tuer, estiment les magistrats. Les comptables comme les sentinelles, les cuisiniers comme les opérateurs des chambres à gaz. Cela tombe bien. Près de soixante-dix ans après la fin de la guerre, les grands criminels, ceux que l'Allemagne n'a pas pu, pas voulu, condamner - ou si légèrement - ne sont plus de ce monde.

Restent ceux que leur jeune âge cantonnait aux fonctions subalternes. « Les juger remplit une fonction de catharsis pour la société d'outre-Rhin, estime le chasseur de nazis Serge Klarsfeld. Personnellement, je suis opposé à ces procès intentés aux petits comparses, d'autant qu'ils ont plus de 90 ans aujourd'hui... »

Saisie par Demjanjuk, la Cour constitutionnelle fédérale n'a pas eu le temps de se prononcer sur ce chamboulement juridique car l'intéressé est mort avant qu'elle ne rende sa décision. Une condamnation d'Oskar Gröning pourrait lui offrir une nouvelle occasion de trancher...

 

ANNEXE 2 : Le témoignage de Primo Levi dans « Si c’est un homme».

En 1947, Primo Levi, écrivait dans sa préface de l'ouvrage-témoignage Si c'est un homme "J'ai eu de la chance de n'être déporté à Auschwitz qu'en 1944, alors que le gouvernement allemand, en raison de la pénurie croissante de main-d'oeuvre, avait déjà décidé d'allonger la moyenne de vie des prisonniers à éliminer ; améliorant sensiblement leurs conditions de vie et suspendant provisoirement les exécutions arbitraires individuelles.

Aussi, en fait de détails atroces, mon livre n'ajoutera-t-il rien à ce que les lecteurs du monde entier savent déjà sur l'inquiétante question des camps d'extermination. Je ne l'ai pas écrit dans le but d'avancer de nouveaux chefs d'accusation, mais plutôt pour fournir des documents à une étude dépassionnée de certains aspects de l'âme humaine. Beaucoup d'entre nous, individus ou peuples, sont à la merci de cette idée, consciente ou inconsciente, que «l'étranger, c'est l'ennemi». Le plus souvent, cette conviction sommeille dans les esprits, comme une infection latente ; elle ne se manifeste que par des actes isolés, sans liens entre eux, elle ne fonde pas un système. Mais lorsque cela se produit, lorsque le dogme informulé est promu au rang de prémisse majeure d'un syllogisme, alors, au bout de la chaîne logique, il y a le Lager ; c'est-à-dire le produit d'une conception du monde poussée à ses plus extrêmes conséquences avec une cohérence rigoureuse ; tant que la conception a cours, les conséquences nous menacent. Puisse l'histoire des camps d'extermination retentir pour tous comme un sinistre signal d'alarme".

Malade, épuisé par un an d'internement, il assiste à la fuite des SS, qui abandonnent le camp d'Auschwitz dès les premiers bombardements et redoutent l'avance des troupes soviétiques. Il écrit :

« -Vous ne savez pas ? leur dis-je, demain on évacue le camp. Ils m'accablèrent de questions:

- Où ça ? A pied ?... Même les malades ? Mêmes ceux qui ne peuvent pas marcher ?

Ils savaient que j'étais un ancien du camp et que je comprenais l'allemand, et ils en concluaient que j'en savais là-dessus beaucoup plus que je ne voulais l'admettre. Je ne savais rien d'autre ; je le leur dis, mais ils n'en continuèrent pas moins à me questionner. Quelle barbe ! Mais c'est qu'ils venaient d'arriver au Lager, ils n'avaient pas encore appris qu'au Lager on ne pose pas de questions. Dans l'après-midi, le médecin grec vint nous rendre visite. Il annonça que même parmi les malades, tous ceux qui étaient en état de marcher recevraient des souliers et des vêtements, et partiraient le lendemain avec les bien-portants pour une marche de vingt kilomètres. Les autres resteraient au K.B., confiés à un personnel d'assistance choisi parmi les malades les moins gravement atteints. Le médecin manifestait une hilarité insolite, il avait l'air ivre. Je le connaissais, c'était un homme cultivé, intelligent, égoïste et calculateur. Il ajouta qu'on distribuerait à tout le monde, sans distinction, une triple ration de pain, ce qui mit en joie les malades. Quelques uns voulurent savoir ce qu'on allait faire de nous. Il répondit que probablement les Allemands nous abandonneraient à nous-mêmes : non, il ne pensait pas qu'ils nous tueraient. Il ne faisait pas grand effort pour cacher qu'il pensait le contraire, sa gaieté même était significative.

Il était déjà équipé pour la marche ; dès qu'il fut sorti, les deux jeunes Hongrois se mirent à parler entre eux avec animation. Leur période de convalescence était presque achevée, mais ils étaient encore très faibles. On voyait qu'ils avaient peur de rester avec les malades et qu'ils projetaient de partir avec les autres. Il ne s'agissait pas d'un raisonnement de leur part : moi aussi, probablement, si je ne m'étais pas senti aussi faible, j'aurai obéi à l'instinct grégaire ; la terreur est éminemment contagieuse, et l'individu terrorisé cherche avant tout à fuir.

A travers les murs de la baraque, on percevait dans le camp une agitation insolite. l'un des deux Hongrois se leva, sortit et revint une demi-heure après avec un chargement de nippes immondes, qu'il avait dû récupérer au magasin des effets destinés à la désinfection. Imité de son compagnon, il s'habilla fébrilement, enfilant ces loques les unes sur les autres. On voyait qu'ils avaient hâte de se trouver devant le fait accompli, avant que la peur ne les fit reculer.

Ils étaient fous de s'imaginer qu'ils allaient pouvoir marcher, ne fût-ce qu'une heure, faibles comme ils étaient, et qui plus est dans la neige, avec ces souliers percés trouvés au dernier moment. J'essayai de le leur faire comprendre, mais ils me regardèrent sans répondre. Ils avaient des yeux de bête traquée. L'espace d'un court instant, l'idée m'effleura qu'ils pouvaient bien avoir raison. Ils sortirent par la fenêtre avec des gestes embarrassés, et je les vis, paquets informes, s'éloigner dans la nuit d'un pas mal assuré. Ils ne sont pas revenus ; j'ai su beaucoup plus tard que, ne pouvant plus suivre, ils avaient été abattus par les SS au bout des premières heures de route. [...]

Finalement, ce fut le tour d'Alberto, venu me dire au revoir par la fenêtre, au mépris de l'interdiction. Nous étions devenus des inséparables : « les deux Italiens», comme nous appelaient nos camarades étrangers qui, le plus souvent, confondaient nos prénoms. Depuis six mois nous partagions la même couchette et chaque gramme d'extra «organisé» par nos soins ; mais Alberto avait eu la scarlatine quand il était enfant, et moi je n'avais pu le contaminer. Il partit donc, et je restai. Nous nous dîmes au revoir en peu de mots : nous nous étions déjà dit tant de fois tout ce que nous avions à nous dire... Nous ne pensions pas rester séparés bien longtemps. Il avait trouvé de gros souliers de cuir, en assez bon état : il était de ceux qui trouvent immédiatement tout ce dont ils ont besoin. Lui aussi était joyeux et confiant, comme tous ceux qui partaient. Et c'était compréhensible : on s'attendait à quelque chose de grand et de nouveau ; on sentait finalement autour de soi une force qui n'était pas celle de l'Allemagne, on sentait matériellement craquer de toutes parts ce monde maudit qui avait été le nôtre. Ou du moins tel était le sentiment des bien-portants qui, malgré la fatigue et la faim, étaient encore capables de se mouvoir ; mais il est indéniable qu'un homme épuisé, nu ou sans chaussures, pense et sent différemment : et ce qui dominait alors dans nos esprits, c'était la sensation paralysante d'être totalement vulnérables et à la merci du destin.

Tous les hommes valides (à l'exception de quelques individus bien conseillés qui, au dernier moment, s'étaient déshabillés et glissés dans les couchettes d'infirmerie) partirent dans la nuit du 17 janvier 1945. Vingt mille hommes environ, provenant de différents camps. Presque tous disparurent durant la marche d'évacuation : Alberto est de ceux-là. Quelqu'un écrira peut-être un jour leur histoire.

Nous restâmes donc sur nos grabats, seuls avec nos maladies et notre apathie plus forte que la peur. Dans tout le K.B., nous étions peut-être huit cents. Dans notre chambre, nous n'étions plus que onze, installés chacun dans une couchette, sauf Charles et Arthur qui dormaient ensemble. Au moment où la grande machine du Lager s'éteignait définitivement, commençaient pour nous dix jours hors du monde et hors du temps. »

Source : Si c'est un homme. Primo Levi. Presses Pocket. 1988.

 

ANNEXE 3 : Les « marches de la mort »

 

Quelques 58 000 détenus du complexe concentrationnaire d'Auschwitz furent évacués par les nazis ; les autres, environ 7000 personnes, furent libérées par les troupes soviétiques le 27 janvier. A partir de ce moment, et suivant ce qui fut sans doute une directive orale de Hitler, les détenus juifs et non juifs des camps qui étaient sur le point d'être libérés furent acheminés vers la zone toujours contrôlée par les nazis, qui se réduisait de jour en jour.

L'idée était que les ennemis du Reich ne devaient pas tomber vivants aux mains des Alliés. Officiellement, il y avait environ 714 000 prisonniers, hommes et femmes, dans les camps nazis en janvier 1945, mais le nombre réel était sans doute proche d'un million. On estime qu'environ 40% d'entre eux étaient juifs, mais on ne possède aucune source documentaire fiable. Les détenus furent convoyés à pied ou en wagons à bestiaux ouverts, avec peu, voire pas, d'eau ni de nourriture, en plein hiver. Ils furent nombreux à succomber ainsi. Ceux qui avaient du mal à suivre la cadence de la marche étaient abattus. Les itinéraires étaient prolongés artificiellement pour qu'un maximum de détenus meurent en route. Les Juifs étaient encore plus maltraités que les autres. On estime que 40 % à 60% de Juifs périrent. Des conditions de plus en plus chaotiques, l'absence de directives précises, firent que les commandants sur le terrain étaient les maîtres absolus du destin de tous.

Les détenus qui parvenaient enfin aux camps qui étaient encore sous contrôle nazi furent entassés dans des baraquements déjà surpeuplés ; les réserves d'eau et de nourriture s'épuisant, la famine et les épidémies firent des ravages. Le cauchemar ultime, pour cette époque, fut celui que vécurent les détenus de Bergen-Belsen, que l'Armée britannique, libéra le 14 avril 1945. Il est impossible d'affirmer que c'était là un prolongement programmé de la "Solution finale", mais le désir de voir survivre aussi peu de Juifs que possible fait de ces derniers mois un épisode du génocide juif. »

Source : Yehuda Bauer. "Le livre noir de l'humanité". Encyclopédie mondiale des génocides. Éditions Privat. 2001.

 

Le cinéaste soviétique Roman Karmen

ANNEXE 4 : LA LIBÉRATION D'AUSCHWITZ VUE PAR UN OFFICIER SOVIÉTIQUE, LE GENERAL PETRENKO.

 

Commandant de la 107e division d'artillerie, j'ai entendu parler de ce camp pour la première fois au téléphone, le 26 janvier, alors que je dirigeais les combats pour libérer Neuberun. J'avais été appelé par le commandant du 106e corps d'artillerie, le général P.F Ilinyk, pour m'annoncer que les 100e et 322e divisions, en combattant pour libérer Monowica et Zarki, avaient établi qu'il s'agissait de parties d'un grand camp de concentration hitlérien dont le centre se trouvait à Auschwitz. Le commandant du corps m'a prévenu que nous allions non seulement devoir prendre Neuberun le plus vite possible, mais également tout faire pour empêcher l'adversaire de partir vers Auschwitz. Il a ordonné qu'après la prise de Neuberun, ma 107e division et la 148e division de fusiliers voisine continuent énergiquement leur offensive le long de la rive gauche de la Vistule, en menaçant par l'arrière la garnison adverse d'Auschwitz.

Les hitlériens ont résisté avec la dernière énergie. Nos pertes -les hommes morts- se montèrent à 180 personnes. La ville fut totalement libérée le 28 janvier et notre division se prépara à traverser la Vistule. Il y avait environ un kilomètre et demi jusqu'à Auschwitz, qui se trouvait sur la rive droite. Le général F. Krasavine, le commandant de la 100e division qui avait pris Auschwitz la veille, m'a appelé et m'a demandé de venir. J'ai prévenu mon adjoint et le chef d'état-major que je devais m'éloigner pour une heure et demie - deux heures et je suis parti pour Auschwitz. Il y avait en ville l'un des régiments de la division de Krasavine mais, lui, je ne l'ai pas vu.

Les nazis ont emmené le 18 janvier tous ceux qui pouvaient marcher et ont abandonné les malades et les faibles. Nous avons su que le nombre de prisonniers dépassait 10 000. Ceux qui pouvaient marcher – ils étaient peu nombreux – ont pris la fuite quand notre armée s’est approchée du camp. Nos troupes ont dirigé dans le camp les unités sanitaires des 108ème, 322ème et 107ème (la mienne) divisions. Les bataillons sanitaires de ces trois divisions ont déployé des bains, selon un ordre dans l’armée. L’alimentation était organisée également par ces divisions, avec des cuisines de campagne.

On m'a amené sur le territoire du camp. Il tombait une légère neige, qui fondait immédiatement. Je me souviens que je portais un demi-manteau ouvert. Il commençait à faire sombre, mais nos soldats ont trouvé un appareil et on fait de la lumière. Des détenus émaciés, en vêtements rayés, s'approchaient de nous et nous parlaient dans différentes langues. Même si j'avais vu bien des fois des hommes mourir au front, j'ai été frappé par ces prisonniers transformés par la cruauté jamais vue des nazis en véritables squelettes vivants.

J'avais bien lu des tracts sur le traitement des Juifs par les nazis, mais on n'y disait rien de l'extermination des enfants, des femmes et des vieillards. Ce n'est qu'à Auschwitz que j'ai appris le destin des Juifs d'Europe. C'était le 29 janvier 1945. J'ai été accueilli par le chef d'état-major du régiment, le colonel Degtiariov. Il m'a annoncé que la veille, on avait enterré soixante-dix-huit de nos morts, soldats et officiers.

Les déportés se déplaçaient sur le territoire du camp en combinaison à rayures. Deux d'entre eux se sont arrêtés, se sont mis à sourire et à battre des mains en regardant mon étoile de héros de l'Union soviétique. «Alors vous êtes heureux d'être enfin libres ? où allez-vous ? Qui êtes-vous ? » leur demandai-je. Ils venaient de Belgique. J'ai noté leurs noms. Je me souviens également de deux femmes. Elle se sont approchées de moi, m'ont embrassé. Ces gens pouvaient encore sourire, mais il y en avait qui ne pouvaient plus que tenir debout en silence : des squelettes vivants, pas des hommes. A Auschwitz, on m'a montré la baraque des femmes, séparée des autres. Sur le sol, il y avait du sang, des excréments, des cadavres : un terrible tableau. Il était impossible d'y rester plus de cinq minutes, à cause de l'horrible odeur des corps en décomposition. Debout près des portes, j'ai dit : « Oui, il est impossible de rester longtemps ici

Source : Général Petrenko. Avant et après Auschwitz, p.144-146. © Flammarion, 2002.

 

ANNEXE 5: Le site Russia beyond tle headlines publie des témoignages de soldats soviétiques ayant libéré le camp polonais ainsi que ceux de prisonniers.

 

Les prisonniers d’Auschwitz ont été libérés par quatre divisions d’infanterie de l’Armée Rouge. L’offensive était menée par les 107ème et 100ème divisions. Dans cette dernière se trouvait le commandant Anatoli Chapiro, dont le détachement est arrivé le premier aux portes du camp. Il raconte :

« Dans l’après-midi, nous sommes entrés dans l’enceinte du camp, nous avons emprunté la porte principale portant l’inscription « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre). Il était impossible de pénétrer dans les baraques sans masque respiratoire. Des cadavres gisaient sur des châlits à deux étages. On voyait sortir de temps à autre des couchettes un squelette à demi-vivant qui jurait qu’il n’est pas juif. Personne ne croyait à une possible libération.

 

Il restait alors environ 7 000 détenus dans le camp, dont la prisonnière N°74233 (le nom n’a pas été établi) :

J’ai vu tout à coup sur la route près du camp des silhouettes vêtues de blanc et de gris. Il était environ 17h00. Nous avons pensé qu’il s’agissait de prisonniers qui rentraient. Je suis sortie de la pharmacie pour voir qui c’était. Un vrai bonheur nous a envahis quand nous avons vu des éclaireurs soviétiques. On n’en finissait pas de les saluer et de les embrasser. Ils nous disaient de partir, nous expliquaient qu’il ne fallait pas rester ici tant que l’ennemi n’était pas localisé. On reculait, mais après avoir fait quelques pas, on revenait.

 

Le commandant de compagnie Vassili Gromadski a été lui aussi l’un des premiers à pénétrer dans « le camp de la mort » :

Les portes étaient verrouillées. Je ne sais même pas si c’était l’entrée principale ou une autre. J’ai donné l’ordre de casser le verrou. Il n’y avait personne. Nous avons marché sur environ deux cents mètres et nous avons vu des prisonniers : environ 300 personnes en vêtements rayés. Nous restions sur nos gardes, car nous étions prévenus que les Allemands enfilaient de tels vêtements. Mais c’était vraiment des détenus. Ils pleuraient et nous serraient contre eux. Ils parlaient de l’extermination de millions de personnes. Je m’en souviens encore : ils nous ont dit que les poussettes à elles seules avaient formé tout un convoi de douze wagons.

 

Il y a soixante-dix ans, Ivan Martynouchkine commandait une unité de l'armée soviétique.

Ce jeune soldat de 21 ans avait reçu l'ordre de pénétrer dans ce qui devint le symbole de la Shoah, du génocide perpétré par les Nazis : le gigantesque camp d’Auschwitz-Birkenau où périrent 1,1 million de déportés, dont une immense majorité de juifs, entre 1940 et 1945. Ivan Martynouchkine se battait depuis deux ans déjà sur le front de l'est, participant à la reconquête de l'Ukraine au sein d'une division d'infanterie. Et, comme ses camarades, il imaginait qu'une nouvelle bataille s'annonçait. France 2 a recueilli le témoignage de ce vétéran de 91 ans, à l'occasion du 70ème anniversaire de la libération d’Auschwitz :

Le 27 janvier 1945 devait être une journée comme les autres. La veille, les canons tonnaient quelques km au loin. A Auschwitz, ordre fut donné d'abord de fouiller les lieux et ses environs, maison par maison, par peur d'une résistance nazie. "On a vu un camp au loin. On ne savait pas du tout ce que c'était. Il était immense. Plus grand que tout ce que j'avais vu", se souvient le vétéran. "Plus on s'approchait de ce camp, plus on sentait une odeur très forte, comme une odeur de combustion. J'avais l'habitude de cette odeur. C'était celle des villages brûlés. Mais ici, c'était particulier. Comme une odeur de corps brûlés."

Quand les soldats pénétrèrent dans le camp, il ne restait que 7 000 déportés, les plus faibles. Les autres avaient été évacués vers Loslau (aujourd'hui Wodzislaw Slaski, en Pologne), dans une "marche de la mort". Derrière les barbelés, Ivan voit pour la première fois des déportés. "Leur aspect était vraiment terrible. Epouvantable. Les visages étaient noircis, tellement maigres. Il n'y avait qu'à travers leurs yeux, leurs regards qu'on percevait un peu de vie. On avait l'impression qu'ils avaient peur de nous. Mais il exprimait aussi une forme de reconnaissance." "L'atmosphère était telle que je ne souhaitais qu'une seule chose : c'était ressortir au plus vite, se remémore l'ancien soldat. On est resté ainsi, sans trop savoir ce qu'il fallait faire, une trentaine de minutes, peut-être quarante, pas plus."

http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/auschwitz/video-ce-que-j-ai-vu-a-auschwitz-etait-epouvantable_807141.html

 

Ivan Martynouchkine avait 21 ans en 1945. Il était lieutenant-chef et commandait une compagnie de mitrailleuses de la 322ème division d’infanterie. Il a découvert au dernier moment qu’il avait été envoyé libérer un camp de concentration :

Ma compagnie est arrivée à un portail, mais la nuit étant tombée, nous avons décidé de ne pas entrer. Nous avons occupé le poste de garde situé en dehors du camp. Il y faisait très chaud, nous avons même pensé que les Allemands avaient préparé le bâtiment pour eux. Le lendemain, nous avons commencé le nettoyage. Il y avait un grand village, Brzezinka (Birkenau en allemand), avec de solides maisons en pierre. À peine entrés, nous sommes devenus la cible de tirs depuis l’un des bâtiments. Nous nous sommes planqués et nous avons pris contact avec le commandement pour demander une frappe d’artillerie, afin que l’on puisse continuer notre chemin. À notre grande surprise, on nous a répondu qu’il n’était pas question d’employer l’artillerie parce qu’il y avait dans le secteur un camp de prisonniers et qu’il était indispensable d’éviter tout échange de tirs. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons réalisé ce qu’était le portail.

 

Les militaires entrés dans le camp ont été suivis de reporters, ceux du journal de division de la 38ème armée, Oucher Margoulis et Guennadi Savine. Voici leurs témoignages :

Nous sommes entrés dans un bâtiment en pierre et nous avons jeté un coup d’œil aux compartiments dont les portes n’étaient pas fermées. Nous avons vu dans le premier un tas de vêtements pour enfants : des petits manteaux, des pantalons, des vestes et des blouses, souvent tachés de sang. Un autre était rempli de caisses pleines de bridges et de couronnes en or. Un troisième contenait des caisses avec des cheveux des prisonnières.

Enfin, une femme [détenue du camp, ndlr] nous a fait entrer dans un compartiment avec d’élégants sacs à main, des abat-jours, des portefeuilles et d’autres articles en cuir. « C’est en peau d’homme », a-t-elle précisé.

Une fois Auschwitz libéré, un nouvel officier a été nommé chef du commandement de la ville. C’est Grigori Yelissavetinski, qui écrit à sa femme le 4 février 1945 :

Il y a dans le camp une baraque d’enfants où sont rassemblés des petits Juifs de différents âges (notamment des jumeaux). Ils servaient de cobayes humains pour des expériences. J’ai vu un garçon de 14 ans à qui du kérosène avait été injecté dans les veines à des fins « scientifiques ». Plus tard on lui a coupé un morceau de chair pour l’envoyer dans un laboratoire de Berlin et on lui en a greffé un autre.

Il se trouve actuellement à l’hôpital, tout couvert de plaies purulentes, et il est impossible de faire quoi que ce soit pour lui. Une jeune fille très belle, mais aliénée, se promène dans le camp. Je m’étonne que tous ces gens ne soient pas devenus fous.

Entretemps, les libérés qui ont réussi à reprendre des forces et à marcher pour quitter eux-mêmes Auschwitz. Témoignage du N74233 :

Le 5 février, nous sommes partis en direction de Cracovie. D’un côté de la route, on voyait d’énormes usines construites par les prisonniers morts depuis longtemps d’un travail accablant. De l’autre, il y avait aussi un vaste camp. Nous y sommes entrés et nous y avons trouvé des malades qui, tout comme nous, ne sont restés vivants que parce qu’ils n’étaient pas partis avec les Allemands le 18 janvier.

Nous avons poursuivi notre chemin. Nous avons longtemps défilé le long de câbles électriques suspendus à des poteaux de pierre, symboles de l’esclavage et de la mort. Il nous semblait qu’on n’arriverait jamais à sortir. Mais le camp s’est terminé et nous sommes entrés dans le village de Vlosenjuszcza. Nous y avons passé la nuit et le lendemain, le 6 février, nous avons poursuivi notre chemin. Une voiture nous a emmenés à Cracovie.

Nous sommes libres, mais nous ne savons pas encore nous réjouir. Nous avons trop enduré et perdu trop de compagnons.

L’article est basé sur des documents de la Fondation russe Holocauste, les mémoires de V.Petrenko « Avant et après l’Holocauste », « J’ai vécu Auschwitz » de K. Jivoulskaya et « Le Livre noir » de V. Grossman et I. Ehrenbourg.

Source : Russia Beyond The Headlines

 

F. Hollande soutient le projet d’un lieu de mémoire des handicapés morts sous Vichy

Présentation : Genèse d'un paradoxe contemporain

En 2014 un « appel national pour la création d'un mémorial en hommage aux enfants, femmes et hommes fragilisés par la maladie et le handicap, qui furent exterminés par le régime nazi ou condamnés à mourir par celui de Vichy » a été lancé par Charles Gardou, anthropologue, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, auteur d’un travail universitaire sur le handicap ; associé à la députée européenne Sylvie Guillaume et à Jean-Marc Maillet-Contoz, directeur de Handirect.

Il a été relayé sur la toile par le site change.org :

http://www.change.org/p/pour-un-m%C3%A9morial-en-hommage-aux-personnes-handicap%C3%A9es-victimes-du-r%C3%A9gime-nazi-et-de-vichy?utm_source=action_alert&utm_medium=email&utm_campaign=243176&alert_id=DiiHzYNjhg_NByiWJ9aeMEIYTuHqPeViAEJIUUhi3BDyVkSfE6A9rs%3D

Très vite 105 personnalités reconnues ont soutenu cette pétition - artistes, élus, intellectuels, journalistes, médecins, responsables d'associations, sportifs … -, notamment l’anthropologue Françoise Héritier, le généticien Axel Kahn, les philosophes Edgar Morin et Julia Kristeva, les écrivains Tahar Ben Jelloun, Pascal Bruckner et Sylvie Germain, les journalistes Jean-Claude Guillebaud, Serge Moati et Patrick Poivre d’Arvor, les psychiatres Marcel Rufo et Serge Tisseron, mais aussi Philippe Pozzo di Borgo, Olivier Nakache et Eric Toledano, l’inspirateur et les réalisateurs du film Intouchables.

J’en avais fait état en son temps sur mon blog :

http://www.hgsavinagiac.com/article-euthanasie-debat-autour-du-projet-de-memorial-des-handicapes-morts-de-faim-en-france-sous-le-regim-122318926.html

Le professeur Charles Gardou

Le soutien du président de la République F. Hollande

Dans un courrier daté du 11 février - date symbolique du 10ème anniversaire de la loi sur le handicap de 2005 -, le Président de la République a décidé d’entendre cet appel: "Je partage votre volonté, qui est aussi celle des 75.000 personnes qui ont signé votre pétition, qu'à ce délaissement de la République ne s'ajoute pas le silence de l'oubli. Il est important que, dans les principaux lieux où cette tragédie s'est déroulée, des gestes puissent être effectués afin d'en rappeler le souvenir et d'en honorer les victimes".

En réalité la pétition a réuni 94 000 personnes : 81 000 signataires sur Change.org, auxquels s'ajoutent 9000 membres de l'Union départementale des Associations de Combattants et victimes de guerre du Val de Marne et 4 000 adhérents de l'Association Nationale des Cheminots Anciens Combattants.

Voir la vidéo de change.org :

Pour conclure :

Pour Carl Schmitt, le “juriste du IIIe Reich”, la souveraineté ou pouvoir de l’Etat, se définit comme “pouvoir de décréter l’état d’exception” : la création d’une catégorie juridique de la “vie indigne d’être vécue est analysée comme cet état d’exception que l’Etat peut légitimer par rapport à la loi fondamentale qu’est l’interdiction du meurtre. Il affirme ainsi la légitimité première et absolue de l’Etat, qui est donc par essence « totalitaire » et échappe à toute norme. C’est faire de l’Etat la seule source légitime de normativité pour la société.

ANNEXES :

 

ANNEXE 1 : LA DÉCISION DU CSA DU 25 JUIN 2014

 

Le Conseil a été saisi de plaintes à la suite de la diffusion, dans les écrans publicitaires de M6, Canal+ et D8 entre le 21 mars et le 21 avril 2014, d’un message de sensibilisation à la trisomie 21. Intitulé « Chère future maman », il était soutenu par les associations Coordown, Les amis d’Éléonore et la fondation Jérôme-Lejeune, fondation dont la vocation est notamment la lutte contre l’avortement.

Le Conseil considère que ce message ne relève pas de la publicité au sens de l’article 2 du décret du 27 mars 1992. Bien qu’ayant été diffusé à titre gracieux, il ne peut pas non plus être regardé comme un message d’intérêt général, au sens de l’article 14 de ce même décret, puisqu’en s’adressant à une future mère, sa finalité peut paraître ambigüe et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle. En conséquence, le Conseil considère qu’il ne pouvait être inséré au sein des écrans publicitaires.

S’inscrivant dans une démarche de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, ce message aurait pu être valorisé, à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, par exemple au sein d’émissions.

Le Conseil est intervenu auprès des chaînes afin de leur demander, à l’avenir, de veiller aux modalités de diffusion des messages susceptibles de porter à controverse.

Il a répondu en ce sens aux plaignants.

 

 

ANNEXE 2 : La liberté d’expression bafouée

Par Mariette Guerrien-Chevaucherie - École des avocats de Versailles -.

Le Mémorial de Caen, Recueil des Plaidoiries 2015, Concours des élèves-avocats. p.173-179

http://www.memorial-caen.fr/images/plaidoiries/eleves-avocats/Recueil2015_EA.pdf

 

Nous ne sommes pas aujourd’hui à l’autre bout du monde, au chevet d’Asia Bibi promise à la pendaison ; nous ne sommes pas non plus dans les ténèbres de Guantanamo. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du jury, nous sommes en France, berceau de ce qui fait notre fierté, les droits de l’homme.

Le 25 juin 2014, le CSA (1) a censuré un court-métrage de sensibilisation à la trisomie 21 diffusé par M6, Canal+ et D8 et visionné plus de cinq millions de fois sur Internet. Dans ce court-métrage, intitulé

« Chère future maman », plusieurs enfants et jeunes adultes trisomiques s’adressent à une future maman enceinte d’un enfant atteint de trisomie 21. Ils lui expriment toute la joie, l’amour que son enfant trisomique peut lui apporter. À cette occasion, les personnes trisomiques nous disent qu’elles sont heureuses, qu’elles peuvent vivre, travailler et aimer comme tout le monde.

Le 25 juin 2014, le Conseil a censuré ce témoignage en considérant « qu’il ne relève pas de la publicité au sens de l’article 2 du décret du 27 mars 1992. Bien qu’ayant été diffusé à titre gracieux, il ne peut pas non plus être regardé comme un message d’intérêt général, au sens de l’article 14 de ce même décret, puisqu’en s’adressant à une future mère, sa finalité peut paraître ambiguë et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle ». Parce qu’elles apparaissaient heureuses, les personnes trisomiques se sont vu retirer le droit de s’exprimer librement au sein des écrans publicitaires.

Choquée par une telle décision, une des jeunes actrices du court-métrage, Inès, trisomique, a formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État pour atteinte à sa liberté d’expression. Liberté fondatrice de la Convention européenne des droits de l’homme, pierre angulaire, orgueil de l’Occident, cheval de bataille de nos grands philosophes ! « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » (2) ! Notre cher Voltaire s’est retourné dans sa tombe à l’annonce de la décision du CSA.

Les personnes atteintes de trisomie 21 ont, sur le fondement de l’article 10 de la Convention, le droit à la liberté d’expression. Inès a le droit de s’exprimer, sans restriction et sans pudeur. Elle a ce droit comme chacun de nous. Le 25 juin 2014, elle a été marginalisée, dans une société où la faiblesse humaine n’est pas la bienvenue. Sur ce constat, je soulève devant vous le non-respect de l’article 14 de la Convention qui interdit les discriminations.

Pour se justifier, le CSA retient trois arguments.

Il considère en premier lieu que ce message n’est pas d’intérêt général. Mais qu’est-ce que l’intérêt général ? L’intérêt général, c’est l’intérêt de la société dans son ensemble, le vôtre, le mien, celui des personnes handicapées. M. Jean-Frédéric Poisson considère que ce spot « met en valeur la capacité des enfants trisomiques à propager du bonheur autour d’eux. » Je considère qu’il est dans l’intérêt général que « la capacité des enfants trisomiques à propager du bonheur autour d’eux » soit connue de tous. Sauf à considérer que les personnes trisomiques n’ont pas les mêmes droits que les autres, parce qu’elles ont un troisième chromosome 21. Je pense que nous n’en sommes pas là aujourd’hui.

En deuxième lieu le CSA avance que la finalité de ce message « peut paraître ambiguë et ne suscite pas une adhésion spontanée et consensuelle ».

Alors oui, ce spot peut mettre mal à l’aise. Il dérange. Il culpabilise. Cependant il n’est pas le premier en la matière. Je tiens à rappeler que des spots choquants sont diffusés à foison sur nos écrans télévisés. Je pense notamment aux courts-métrages sur la sécurité routière qui nous glacent le sang. Qui oserait dire qu’ils sont inutiles ? Qui oserait dire qu’ils ne culpabilisent pas les mauvais conducteurs ? Le CSA les autorise car il est évident que dans notre for intérieur, nous sommes réceptifs aux messages de sensibilisation qu’ils transmettent. Pourquoi alors refuser la libre parole aux personnes trisomiques sous prétexte que leur spot ne susciterait pas une adhésion spontanée et consensuelle ?

Si toutes les émissions et spots télévisés devaient susciter une telle adhésion, imaginez-vous toutes les suppressions qu’il faudrait réaliser au sein des programmes télévisés !

En troisième lieu, le CSA conclut en énonçant que ce message « s’inscrivant dans une démarche de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, aurait pu être valorisé, à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, par exemple au sein d’émissions ». Les personnes trisomiques devraient alors attendre le 21 mars de chaque année, Journée mondiale de la trisomie 21, pour pouvoir s’exprimer sur les chaînes de télévision publique. Et qui plus est, elles devraient le faire dans le cadre d’un documentaire adapté, pour que chaque personne qui visionne ce spot ne soit pas surprise, et ne le voie pas sans le vouloir.

De quel droit une parole doit-elle être contextualisée ? Parce qu’Inès est trisomique alors sa parole est bridée, rangée bien soigneusement dans les documentaires scientifique ?

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du jury, l’une des missions du CSA est notamment celle de contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et de lutter contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Le CSA a pour mission de changer notre regard sur le handicap ; la trisomie 21 fait peur car elle est méconnue, car elle marque la différence, car elle n’est pas normale. Mais qu’est-ce que la normalité ?

Monsieur le Président du CSA, défendez-les ! Défendez le droit des personnes handicapées de s’exprimer librement et par tous les canaux de communication possibles ; défendez leurs droits à se faire connaître, à se faire aimer ! En bridant leur liberté d’expression vous les condamnez à l’oubli ; le grand public doit savoir que l’on peut être handicapé et heureux !

Je ne souhaite de votre part aucune pitié ni aucune complaisance. C’est de sagesse dont il est question aujourd’hui. Le professeur Jérôme Lejeune, pionnier de la génétique moderne, découvreur de la trisomie 21, n’en a pas manqué. Pour lui, la trisomie 21 a été le combat d’une vie. Il disait en ces mots : « Je n’ai plus qu’une solution pour les sauver, c’est de les guérir. » La guérison est en marche, en attendant ce jour, faisons preuve de sagesse, acceptons la différence. Reconnaissons le droit aux personnes handicapées de s’exprimer librement.

Monsieur le Président du CSA, pour l’honneur de l’institution que vous représentez, pour la liberté d’expression des personnes handicapées, annulez courageusement votre décision.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du jury, je n’ai qu’une question à vous poser : « Doit-on nier le droit aux personnes trisomiques de s’exprimer librement au grand public au motif que leur joie, leur vie, et leur bonheur seraient culpabilisants? »

 

1 Conseil supérieur de l’audiovisuel

2 Phrase attribuée à Voltaire dans la biographie qui lui a été consacrée par Evelyn Beatrice Hall : Stephen G. Tallentyre (pseud. de Evelyn Beatrice Hall), The Friends of Voltaire, Londres, Smith Elder & Company, 1906

 

 

 


Iconoclasme et biblioclasme de l’Etat Islamique à l’œuvre : suite d’une barbare litanie

Avant-propos : La passion du savoir et de la culture : le déchiffrement de l’écriture cunéiforme

 

La redécouverte de la vieille écriture cunéiforme qui avait sous-tendu la civilisation mésopotamienne pendant près de 3 millénaires a été le fruit de la curiosité intellectuelle de voyageurs et de savants occidentaux passionnés qui ont bravé l’insécurité et les nomades du Moyen Orient à la recherche des traces perdues de ce monde mésopotamien évoqué par le monde biblique, en particulier sur la colline de Behistun, perdue dans les Monts Zagros.

Le site de la colluine de Behistun

En 1621, Pietro Della Valle, voyageur italien, découvrit les inscriptions de la paroi rocheuse de Behistun, dans l'ouest de l'Iran, il en recopia une partie. En 1674, Jean Chardin, négociant français, publia d’autres copies de ces signes dit cunéiformes (= à l’allure de clous). Les premières étapes dans le déchiffrage de l'inscription de Behistun sont réalisées par Carsten Niebuhr, un membre allemand de l'expédition scientifique danoise au Proche-Orient de 1761 à 1767. Il fut le premier à penser, avec raison, que ces inscriptions en trois parties étaient la transcription d'un même texte en trois types de langues, il publia, en 1777, les premières copies complètes et précises de l'inscription de Behistun.

C’est Darius Ier, roi de Perse, qui l’avait faite rédigée en cunéiformes vieux-persans, élamites et akkadiens. Les rois perses de la dynastie des Achéménides utilisaient ces trois écritures pour que leurs décrets soient connus de ces trois nations assujetties. Elle est accompagnée par des images gravées du Grand Roi et de ses dignitaires.

Grâce à de multiples contributions, elle a été finalement déchiffrée par le général Henry Rawlinson, qui, en charge de la formation de l’armée du Chah commença ses recherches en 1835.

Il va escalader la falaise difficile d’accès et copier l’inscription en vieux-perse mais il ne peut faire de même pour les versions élamite de l’autre côté d’un précipice et celle en akkadien à quatre mètres au-dessus. Avec le texte vieux-perse et un syllabaire fourni par l’allemand Georg Friedrich Grotefend , Rawlinson déchiffre le texte qui dans sa première partie donne une liste de rois perses identiques à celle fournie par l'historiuen grec antique Hérodote. Il met ainsi en correspondance noms et caractères vers 1838. Après un temps de service en Afghanistan, Rawlinson revient en 1843. A l’aide de planches, il franchit le précipice et copie le texte en élamite. Il recrute un garçon des environs qui grimpe par une fissure dans la falaise et installe des cordes à la hauteur du texte en akkadien dont il prendre l’empreinte.

Rawlinson se met au travail et une traduction de l’écriture akkadienne publiée à Londres en 1846. Il l’a fait indépendamment des travaux d’Edward Hincks, Julius Oppert et William Henry Fox Talbot qui contribuent aussi au déchiffrement.

L'inscription de Behistun a été pour l’écriture cunéiforme ce que fut la pierre de Rosette pour les hiéroglyphes égyptiens. Avec son déchiffrement était une science archéologique nouvelle : l’Assyriologie.

Samuel Noah Kramer, est né en 1897 à Jachkov dans l'Empire russe (l’actuelle Ukraine), dans une famille de religion juive. En 1905, sa famille émigre aux Etats Unis (où il meurt en 1990) à Philadelphie où son père crée une école hébraïque. Après ses études il enseigne à l’école de son père, reprend ses études et se découvre une passion pour l’égyptologie. À l’université de Pennsylvanie, il rencontre Ephraïm Speiser, un assyriologue qui déchiffrait des tablettes en écriture cunéiforme.

Après son doctorat en 1929, il se spécialise sur Sumer et de la langue sumérienne. Il va rassembler des fragments contigus de tablettes trouvées sur les mêmes chantiers de fouilles mais ensuite dispersées dans différents musées.

Son livre de 1956, L’histoire commence à Sumer le fit connaître du grand public. En vulgarisateur de génie, il montre comment la civilisation mésopotamienne, sumérienne en particulier est l’ancêtre oublié de la civilisation occidentale, présentant de manière vivante quelques « premières » de l’humanité : la première école, le premier arrêt de tribunal, le premier Noé…

Pour ce juif d’origine russe, citoyen américain, passionné par les cultures du Moyen Orient, il est clair que l’être humain est fait d’une même pâte, que tout ce que l’homme a pu réaliser, toutes les traces qu’il a pu laisser sont infiniment précieux et respectables car ils sont un média indispensable pour comprendre ce qui fait l’homme et bâtir un avenir fait d’écoute, de complémentarité, de réciprocité et d’accueil des richesses de l’autre et non pas d’affrontement aveugle et brutal.

Voir mes articles :

Le point sur l’iconoclasme et le biblioclasme

http://www.hgsavinagiac.com/article-livres-brules-hommes-menaces-de-l-antiquite-aux-salafistes-du-mali-ou-libye-et-a-ray-bradbury-ic-109943889.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-libye-somalie-tombouctou-et-bamiyan-la-destruction-des-mausolees-soufis-ou-le-retour-de-l-iconocl-109616255.html

 

http://www.hgsavinagiac.com/article-mali-28-janvier-2013-reflexion-des-medias-sur-la-destruction-du-patrimoine-culturel-par-les-islam-114833719.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-mali-tombouctou-la-destruction-du-patrimoine-par-les-islamistes-s-est-poursuivie-jusqu-a-l-arrivee-114820033.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-appel-au-secours-en-afghanistan-apres-bamiyan-mes-aynak-le-patrimoine-architectural-bouddhiste-110911813.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-iconoclasme-des-islamistes-detruisent-des-temples-bouddhistes-au-bangladesh-le-choc-des-civilisat-110907097.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-francois-hollande-denonce-la-destruction-du-patrimoine-culturel-de-l-humanite-110902249.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-libye-somalie-tombouctou-et-bamiyan-la-destruction-des-mausolees-soufis-ou-le-retour-de-l-iconocl-109616255.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-la-somalie-de-al-shabbaab-bamiyan-et-tombouctou-ou-le-retour-de-l-iconoclasme-art-et-politique-109569402.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-le-site-des-bouddhas-de-bamiyan-peut-il-renaitre-chroniques-du-vandalisme-109360760.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-memoires-rivales-et-choc-des-civilisations-chronique-de-la-destruction-des-bouddhas-de-bamiyan-en-afghanistan-par-les-talibans-50911957.html

 

Le point sur les Bouddhas de Bamiyan et sur Mes Aynak

http://www.hgsavinagiac.com/article-le-site-des-bouddhas-de-bamiyan-peut-il-renaitre-chroniques-du-vandalisme-109360760.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-memoires-rivales-et-choc-des-civilisations-chronique-de-la-destruction-des-bouddhas-de-bamiyan-en-afghanistan-par-les-talibans-50911957.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-appel-au-secours-en-afghanistan-apres-bamiyan-mes-aynak-le-patrimoine-architectural-bouddhiste-110911813.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-iconoclasme-des-islamistes-detruisent-des-temples-bouddhistes-au-bangladesh-le-choc-des-civilisat-110907097.html

Source du dessin: https://www.facebook.com/lalibre.be?fref=photo

Introduction

Le mollah Omar et les talibans avaient décidé et mis en œuvre – malgré les protestations de la communauté internationale - en 2001 la destruction des imposants bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan, vestiges qui avaient traversé 15 siècles d’histoire. En 2012, c’était le tour des mausolées de Tombouctou détruits, au nom de la volonté affichée par les islamistes d’effacer l’idolâtrie et les traces d’ « une religion pour dégénérés » - mollah Omar-.

C’est l’anéantissement du patrimoine culturel de l’humanité qui est à l’ordre du jour, expression contemporaine du nouvel obscurantisme.

 

La condamnation de la presse occidentale est unanime face à la remise en cause de la notion même de « patrimoine de l’humanité »

 

Paris-Match parle de « geste odieux », l’Obs du "projet fou de l'EI : éradiquer toute forme matérielle de notre civilisation", beaucoup de journaux reprennent les propos d’Irina Bokova, la directrice générale de l’Unesco sur le « nettoyage culturel », le Journal de Montréal titre sur la « folie destructrice au Musée », Lavenir.net dénonce les « Massacreurs de la beauté ». Le président Français, F. Hollande, le 27 février, en déplacement aux Philippines, dénonce la "barbarie" des destructions d’œuvres préislamiques. "La barbarie touche les personnes, l’Histoire, les mémoires, la culture", a-t-il déclaré devant des journalistes, affirmant condamnant une volonté d’annihiler tout ce qui est humanité.

C’est la notion consensuelle de « patrimoine commun de l’humanité » qui est aujourd'hui jetée aux poubelles de l’histoire par l’EI.

Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco

La condamnation de l’UNESCO

 

Irina Bokova, la directrice générale de l’Unesco, dénonçait le 25 février « un nettoyage culturel, une destruction délibérée du patrimoine qui vise les identités des différentes communautés qui vivent en Irak ! » Elle a demandé le 27 février la convocation d’une réunion de crise du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a aussi fait appel à la Cour pénale internationale à La Haye : « c’est très important parce que ça va mobiliser une grande partie de la communauté internationale ». Elle a écrit personnellement à la procureure de la CPI, Fatou Bensouda qui avait déjà qualifié de « crime de guerre » la destruction, par le groupe djihadiste Ansar Dine, des mausolées de Tombouctou en 2012. Après les destructions du Musée de Mossoul, Irina Bokova a publié ce communiqué : « Cette attaque est bien plus qu’une tragédie culturelle, c’est également une question de sécurité parce qu’elle alimente le sectarisme, l’extrémisme violent et le conflit en Irak».

Le « nettoyage culturel » se poursuit

 

Le 22 février 2015, les djihadistes de Daech incendiaient la bibliothèque de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, contrôlée par l’EI depuis l’été 2015. 8 000 livres rares et anciens sont partie en fumée, des manuscrits du XVIIIe siècle, des livres syriens du XIXe siècle. Depuis janvier les autodafés se sont multipliés provoquant la destruction de plus de 100 000 ouvrages. EI a méthodiquement pris pour cibles les minorités (la ville était peuplée par une mosaïque de minorités, parmi eux les Assyriens devenus une minorité qui ont embrassé la foi chrétienne et se disent les habitants les plus anciens de la région) et détruit le patrimoine archéologique, y compris les mausolées sunnites, malgré les condamnations internationales. En outre l’ONU a adopté une résolution visant à freiner le trafic d’antiquités né des pillages en Irak et en Syrie, pour alimenter les caisses de l’EI.

 

Voir mes articles sur le biblioclasme :

http://www.hgsavinagiac.com/article-livres-brules-hommes-menaces-de-l-antiquite-aux-salafistes-du-mali-ou-libye-et-a-ray-bradbury-ic-109943889.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-libye-somalie-tombouctou-et-bamiyan-la-destruction-des-mausolees-soufis-ou-le-retour-de-l-iconocl-109616255.html

Le 26 février les islamistes jihadistes de l’Etat Islamique ont détruit à la masse et au marteau-piqueur des statues et frises pré-islamiques – œuvres assyriennes et hellénistiques – du Musée de Mossoul, dans le nord de l’Irak, selon une vidéo mise en ligne jeudi par le groupe Etat islamique. Selon des experts, les pièces dont on voit la destruction comprennent des originaux, des reconstitutions autour de fragments originaux et des copies.

Beaucoup proviennent de la ville antique de Hatra, située dans le désert à 100 km au sud-ouest de Mossoul, classée au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. On les voit aussi utiliser un marteau-piqueur pour détruit un grand taureau ailé assyrien en granit (qui a un jumeau, exposé au British museum de Londres), sur le site archéologique de la porte de Nergal à Mossoul.

L'éditeur Erick Bonnier, connaisseur du monde arabe, qui a photographié en mars 1998 une part des collections du musée de Mossoul expliquait à Paris Match que la région nord de l'Irak a été durant des siècles un passage de route de caravanes et une des étapes de la route de la soie, que beaucoup de petits royaumes y ont existé, ce qui explique la richesse du patrimoine archéologique de la région. Mossoul a été construite sur les ruines de Ninive, la ville assyrienne. La région a été ensuite conquise par les Parthes d'origine iranienne (-250 à 250 ap JC). Ce qui a été détruit date surtout de l'époque hatrénienne, de la ville d'Hatra.

Beaucoup de statues cassées sur la vidéo sont des moulages. Saddam Hussein depuis la guerre Iran-Irak, avait fait fabriquer des moulages et déplacé – et caché - beaucoup de pièces pour préserver les collections des musées. D’autre part sur son blog Antiquités en zone de conflit, le Dr Samuel Hardy, archéologue et criminologue, explique que la vidéo ne montre que la destruction de pièces massives, c’est à dire les objets qui sont difficilement négociables sur le marché noir des œuvres d’art orientales.

 

Thomas Campbell, le directeur du Metropolitan Museum de New York (Met), déclarait : « une telle brutalité gratuite doit cesser, avant que tous les vestiges de l’ancien monde soient anéantis. » Selon lui ces destructions «visent l’un des musées les plus importants du Moyen-Orient. La collection du Musée de Mossoul couvre toute la gamme de la civilisation dans la région, avec des sculptures remarquables de villes royales comme Nimrud, Ninive, et Hatra».

Aigle d'Hatra avec écriture araméenne (Co) phot. Erick Bonnier

L’idéologie des iconoclastes

 

Tout ce qui n'appartient pas à l'ère islamique, à partir de l'Hégire (en 622 après JC), correspond pour l’EI à des idolâtries. Leur idéologie est d'effacer la mémoire du patrimoine de l'humanité et ce qui n'appartient pas à l'art islamique coranique. Pour les islamistes de tous bords, statues, tombeaux, sculptures ou peintures « favorisent l’idolâtrie ». La vidéo de Mossoul montre un djihadiste qui affirme : « fidèles musulmans, ces sculptures derrière moi sont des idoles pour les peuples d’autrefois qui les adoraient au lieu d’adorer Dieu. Les soi-disant Assyriens, Akkadiens et d’autres peuples avaient des dieux pour la pluie, pour les cultures, pour la guerre », poursuit-il, « le Prophète a ôté et enterré les idoles à la Mecque». Il fait donc le parallèle avec la destruction par le prophète Mahomet des statues des idoles à La Mecque qu’il avait enterré.

Selon Malek Chebel, anthropologue des religions et auteur de "L'inconscient de l'islam" (CNRS Editions, janvier 2015) répondant à "l'Obs", pour les djihadistes, il n'y a qu'un seul être qui compte, c'est Allah. Le reste ne représente rien, n'a aucune valeur. Les sculptures monumentales brisées sur la vidéo rappellent les idoles détruites par le prophète Mahomet à La Mecque en 632. Ils n’ont aucun respect pour la culture et la civilisation car ils sont complètement déconnectés du monde contemporain. Nous sommes face à un mouvement fondamentaliste qui veut revenir aux premiers jours de l'Islam, d'où le mimétisme avec les gestes du prophète à La Mecque. Malek Chebel affirme que l’EI refuse même, par conviction, de faire du trafic avec ces œuvres impures. D’après lui les régions occupées actuellement par les djihadistes en Syrie et en Irak étant riches en œuvres archéologiques, il est probable que les destructions se poursuivent malgré la réprobation internationale.

 

Le 26 février des membres de l’EI ont également dynamité une mosquée du XIIème siècle, la mosquée Khudr, qui contenait une tombe vénérée - cette vénération des tombes est aussi selon eux un acte d’idolâtrie - dans le centre de Mossoul. Pour le professeur d’architecture irakien basé à Amman, Ihsan Fethi, c’est « une perte terrible et un incroyable acte de terrorisme culturel».

Pour conclure

 

Au Mali, à Tombouctou, le mouvement islamiste Aqmi avait détruit les tombes de saints musulmans du soufisme, un courant ancien de l'Islam perçu par les salafistes comme des hérétiques ; provoquant l’incompréhension et la colère des populations locales blessées dans leur foi.

A Mossoul le message est destiné à l'Occident. Le peuple irakien est très fier de son passé mésopotamien vu comme le berceau de l'humanité et de la Bible - il y a cinq tombeaux de prophètes bibliques en Irak. Daech a d'ailleurs fait exploser le tombeau de Jonas, à Mossoul. Sous ce tombeau, se trouvait un temple assyrien.

Voir: http://www.hgsavinagiac.com/article-livres-brules-hommes-menaces-de-l-antiquite-aux-salafistes-du-mali-ou-libye-et-a-ray-bradbury-ic-109943889.html

L’EI cherche l’impact médiatique mondial, ses actions font la Une des journaux et le buzz sur les réseaux sociaux. Par contre pour les populations locales, les atrocités commises sur les chrétiens et les yézidis - mises en esclavage, circoncisions forcées, torture - ont beaucoup plus d’impact.

Nous sommes dans une guerre totale, les djihadistes d’EI veulent non seulement écraser l’adversaire mais aussi effacer jusqu’au souvenir de son passage dans l’histoire des hommes. On assiste à une volonté de réécrire l’histoire. Ils sont en totale contradiction avec la culture à la manière de l’UNESCO qui admire et veut préserver dans les musées les traces des mondes passés car ils sont porteurs d’une expérience humaine unique et originale, d’autant plus précieuse qu’elle est atypique. L’EI au contraire veut détruire tout ce qui ne correspond pas à ses normes et pourrait contredire leur foi.

Ces nouveaux barbares sont « les assassins de la mémoire du plus vieil État au monde », qui a légué à l’Humanité l’agriculture, l’organisation urbaine, l’écriture et le calcul, ils gomment ainsi un pan de la Civilisation universelle, amputent notre mémoire, dimension indispensable à l’édification de notre futur.

Le site archéologique de Nimrud rasé au bulldozer : l’Iconoclasme de l’Etat Islamique s’amplifie

Ces nouveaux barbares sont « les assassins de la mémoire du plus vieil État au monde », qui a légué à l’Humanité l’agriculture, l’organisation urbaine, l’écriture et le calcul, ils gomment ainsi un pan de la Civilisation universelle, amputent notre mémoire, dimension indispensable à l’édification de notre futur.

 

Daesh à l’assaut de Nimrud

4 mars 2015 : L’Etat islamique poursuit la destruction des traces du passé pré-islamique. Il vient de s’en prendre aux ruines assyriennes de Nimrud, selon le ministère irakien du Tourisme, sur sa page Facebook, Daesh a « pris d'assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers.»

Des camions pouvant servir à emporter des pièces archéologiques ont été vus sur les lieux. Ce responsable déplorait ne pas être, pour le moment, en mesure de «mesurer l'ampleur des dégâts».

Destruction de taureau androcéphale assyrien à Mossoul en février 2015

Que représente Nimrud pour les assyriologues ?

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kalkhu

Le site de Nimrud, à 30 km au sud-est de Mossoul, fut approché en 1844 par l'anglais Badger. En 1845, une autre anglais Austen Henry Layard y commença des fouilles et les poursuivit par intermittence de 1845 à 1851 avec son assistant Hormuzd Rassam. Il était sûr d’avoir retrouvé le site de Ninive, la capitale de l’Assyrie. Il découvrit notamment les grandes statues de lammasu (ces taureaux androcéphales chargés de monter la garde à l'entrée des palais assyriens) et de longues frises sculptées sur les palais de l'acropole. Parmi les trouvailles la fameuse lentille de Nimrud, un objet de quartz, dans laquelle certains historiens (mais il y a débat) voient le premier instrument optique. Beaucoup des objets trouvés ont été ramenés au British Museum qui finança la 2nde campagne de fouilles de Layard.

Les fouilles de Layard en Assyrie

Par la suite d'autres fouilleurs ont fréquenté le site : Jones, Loftus, Henry Rawlinson, le déchiffreur de l’écriture cunéiforme.

Voir mon article :

http://www.hgsavinagiac.com/2015/03/iconoclasme-et-biblioclasme-de-l-etat-islamique-a-l-oeuvre-suite-d-une-barbare-litanie.html

C’est Rawlinson qui parvint à identifier le site comme celui de l'antique Kalkhu, en 1853. La cité a été fondée au 13ème siècle avant J.-C. Rassam revint sur le site en 1877 pour le British Museum.

Tablette en cunéiformes (caractères à allure de clous)

Au 20ème siècle, en 1949, l'anglais Max Mallowan entama les premières fouilles rigoureuses dignes d’un véritable archéologue. Il dégagea les monuments importants de la ville - la citadelle, les palais -. On y découvrit beaucoup de tablettes et d’œuvres d'art.

Après 1958 des archéologues anglais prirent la suite jusqu’à ce qu’en 1969 une équipe irakienne prenne en charge le site avec le soutien d’équipes étrangères. En 1989, l'archéologue M. Mahmud mit au jour les tombes de dignitaires assyriens avec de nombreux bijoux, mais les évènements politiques en Irak y ont mis fin.

L’archéologue Suzanne Bott, de l’Université d’Arizona, qui a fait quelques fouilles à Nimrud de 2008 à 2010 la présente comme une grande capitale assyrienne où on a retrouvé certains des premiers échantillons d’écriture. «C’est vraiment le berceau de la civilisation occidentale, a-t-elle dit. C’est pourquoi cette perte est aussi tragique. Ce qu’on trouvait toujours sur le site était époustouflant en termes d’information concernant la vie ancienne. Certains l’ont comparée à la tombe du roi (égyptien) Toutânkhamon.»

Dans cette photo datant de 2003, des travailleurs irakiens déblaient la statue d'un bœuf ailé datant du 8e siècle, sur le site archéologique de Nimroud. PHOTO Karim SAHIB, Archives AFP

Le Metropolitan Museum of Art de New York a réalisé une reconstitution virtuelle du palais de Nimrud :

Pour conclure

 

Le site de Lavau démontre une fois encore la richesse qui peut naître de l’échange et de la rencontre des cultures, tout le contraire de ce que voudrait établi Daesh dans le monde.

Mais ce respect de toutes les cultures et de toutes les religions est-il encore d’actualité en Europe même ?

 

Sur Lavau :

http://www.liberation.fr/societe/2015/03/04/decouverte-exceptionnelle-d-une-tombe-princiere-a-troyes_1214144

http://www.lemonde.fr/sciences/video/2015/03/05/site-archeologique-de-lavau-les-coulisses-d-une-decouverte_4588408_1650684.html

Sitographie :

http://www.20minutes.fr/monde/1556111-20150305-organisation-etat-islamique-detruit-ruines-assyriennes-nimroud

http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/irak-daech-detruit-de-nouvelles-ruines-assyriennes-inestimables-652811

http://www.liberation.fr/monde/2015/03/05/l-etat-islamique-detruit-au-bulldozers-les-ruines-de-nimroud_1215076

http://www.leparisien.fr/flash-actualite-culture/irak-destruction-par-l-ei-des-ruines-assyriennes-de-nimroud-05-03-2015-4578825.php

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150306.AFP0838/irak-destruction-par-l-ei-des-ruines-assyriennes-de-nimroud.html

http://www.lemonde.fr/international/article/2015/03/06/l-etat-islamique-saccage-des-ruines-d-une-cite-historique-en-irak_4588449_3210.html

http://www.sudinfo.be/1229396/article/2015-03-05/nouveaux-saccages-de-l-etat-islamique-ils-detruisent-les-ruines-assyriennes-de-n

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/l-ei-detruit-des-ruines-archeologiques-a-coup-de-bulldozer-cette-fois_1658480.html

http://journalmetro.com/monde/731995/lei-aurait-rase-le-site-archeologique-de-nimrud/

Un cuisinier trisomique célébré à l’Élysée : cherchez le paradoxe

Cherchez le paradoxe :

 

1- D’un côté :

§ En France 96% des enfants porteurs de la trisomie 21 sont avortés avant leur naissance souvent sous la pression de ceux qui présentent aux futures mères le drame que serait une telle naissance.

§ Le CSA le 25 juin 2014 a décidé de censurer le court-métrage de sensibilisation à la trisomie 21 « Chère future maman » car il affiche le bonheur d’enfants trisomiques.

La Ministre de la santé lituanienne Mme Rimantė Šalaševičiūtė © DELFI - V.Kopusto nuotr.-

§ Mme Rimantė Šalaševičiūtė, nouvelle ministre de la Santé de Lituanie, membre du Parti communiste lituanien à l’époque soviétique, qui a rejoint en 1990 le Parti démocratique du travail après avoir été longtemps chargée des droits des enfants, suggère « que la Lituanie puisse légaliser l’euthanasie pour les enfants, en notant que cette possibilité avait été offerte aux enfants belges au terme d’un long débat public. Pourquoi ne pas ouvrir ce débat en Lituanie ? » et ajoute « la Lituanie n’est pas un Etat-Providence où les soins palliatifs seraient accessibles à tous… »

Voir mon article :

http://www.hgsavinagiac.com/2014/11/la-face-cachee-de-l-euthanasie-sous-le-masque-de-la-pitie-l-hydre-de-la-necessite-economique.html

Pierre-Henri en stage cuisines Elysee © F3

2 - De l’autre côté :

§ Un trisomique à l’Élysée :

Le dinanais Pierre-Henri Masson vient de vivre des moments inoubliable, atteint de trisomie 21, ce jeune homme de 23 ans a gagné le premier prix de l'assiette Gourm'hand, concours ouvert à des handicapés cuisiniers porteurs d'un handicap mental. La récompense était de passer trois jours dans les cuisines de l'Élysée avec le chef, Guillaume Gomez. "Il écoute bien, il écoute très bien" note Pascal Dayou, le chef d'équipe. Mais l'expérience est réciproque dans les échanges avec autres cuisiniers de l’Élysée : "Il a son caractère, il ne ment pas, il ne raconte pas d'histoires. Quand il a quelque chose à dire, il le dit, quand il veut faire un câlin le matin, il le fait" commente avec le sourire Guillaume Gomez, le Chef du Palais de L'Elysée. Un câlin, François Hollande y a eu aussi droit lors de la remise des prix.

Pierre–Henri est heureux et son bonheur se communique autour de lui, encore un sujet de scandale pour le CSA ?

Pour conclure :

 

Pour Carl Schmitt, le “juriste du IIIe Reich”, la souveraineté ou pouvoir de l’Etat, se définit comme “pouvoir de décréter l’état d’exception” : la création d’une catégorie juridique de la “vie indigne d’être vécue est analysée comme cet état d’exception que l’Etat peut légitimer par rapport à la loi fondamentale qu’est l’interdiction du meurtre. Il affirme ainsi la légitimité première et absolue de l’Etat, qui est donc par essence « totalitaire » et échappe à toute norme. C’est faire de l’Etat la seule source légitime de normativité pour la société.

 

Est-ce que la vie de Pierre-Henri est indigne d’être vécue ?

 

ANNEXES :

ANNEXE 1 : LA DÉCISION DU CSA DU 25 JUIN 2014

Le Conseil (1) a été saisi de plaintes à la suite de la diffusion, dans les écrans publicitaires de M6, Canal+ et D8 entre le 21 mars et le 21 avril 2014, d’un message de sensibilisation à la trisomie 21. Intitulé « Chère future maman », il était soutenu par les associations Coordown, Les amis d’Éléonore et la fondation Jérôme-Lejeune, fondation dont la vocation est notamment la lutte contre l’avortement.

Le Conseil considère que ce message ne relève pas de la publicité au sens de l’article 2 décret du 27 mars 1992. Bien qu’ayant été diffusé à titre gracieux, il ne peut pas non plus être regardé comme un message d’intérêt général, au sens de l’article 14 de ce même décret, puisqu’en s’adressant à une future mère, sa finalité peut paraître ambigüe et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle. En conséquence, le Conseil considère qu’il ne pouvait être inséré au sein des écrans publicitaires.

S’inscrivant dans une démarche de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, ce message aurait pu être valorisé, à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, par exemple au sein d’émissions.

Le Conseil est intervenu auprès des chaînes afin de leur demander, à l’avenir, de veiller aux modalités de diffusion des messages susceptibles de porter à controverse.

Il a répondu en ce sens aux plaignants.

 

(1) Conseil supérieur de l’audiovisuel

 

 

 

 

 

Le Festival de Cannes 1996 a attribué le prix d'interprétation masculine du Festival de Cannes à Daniel Auteuil et Pascal Duquenne, trisomique, pour Le Huitième Jour, film belge de Jaco Van Dormael

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