Depuis la nuit des temps l’enfant est au cœur de la vie des sociétés humaines, il est porteur de leur avenir et de la perpétuation des traditions et des héritages. Comme la jeunesse il a donc une place symbolique qui peut conduire, au nom du salut de la société qu’il personnifie, à son sacrifice, contraint ou volontaire. L’enfant-martyr – qui peut être un adolescent, un jeune homme ou une jeune femme - est donc au cœur de l’expérience politique de nombreuses sociétés dans lesquelles un système social est menacé – le sacrifice de l’enfant est censé éradiquer le déclin – ou naissant - le sacrifice souvent volontaire d’un enfant pour une idée nouvelle, embelli par la tradition, la légende ou la propagande, vient fonder, enraciner le nouveau système -.
L’enfant-martyr revêt donc une valeur politique et même géopolitique car l’épisode – qui prend souvent l’allure dune « affaire d’Etat » - s’inscrit dans une société, un pays et un temps donnés.
C'est par exemple le cas de "l'Affaire Mohammed Al Dura, enfant-martyr palestinien"
Voir : Enfant- martyr : L’Affaire Mohammed Al Dura à travers le prisme de l’Histoire
et : Enfant-martyr de Palestine, Mohammed Al-Dura : 30 septembre 2000
- On pourrait aussi évoquer Phan Thi Kim Phùc "l'enfant-martyr de la Guerre du Vietnam" :
Mémoire et histoire PHOTO ET HISTOIRE : L’IMAGE-CHOC, Phan Thi Kim Phùc, « l’enfant symbole du Viet Nam » :
1 – SACRIFICE
Le mot sacrifice 1, « le fait de rendre sacré » (latin : sacrificium, de sacer facere) c'est à dire faire passer dans le monde du sacré un objet profane, généralement par une forme de destruction (qui n’est pas toujours nécessaire comme le montrent les objets votifs et ex-voto divers).
En grec, thysia,le sacrifice est un mot de la même racine que thyein, brûler et thyo, encens, parfum. Le sacrifice fait monter une fumée à l’agréable odeur vers les Dieux, comme le dit aussi la Bible.
Dans le langage courant aujourd'hui le terme désigne le fait de détruire ou laisser détruire stratégiquement une partie d'un ensemble pour obtenir une amélioration globale : sacrifier un pion aux échecs, sacrifier des hommes pour gagner une bataille... Le concept est familier à tous les amateurs de jeux électroniques.
À l'origine, le terme de sacrifice s'emploie pour toutes sortes d'actes : offrandes de nourriture ou de liquide, d’une part des récoltes ou des terres, d’un être vivant. Le sacrifice est un échange entre les hommes et les puissances divines. Dans les sociétés primitives, non-monétaires, tout commerce suppose un échange, dons et contre-dons. Plus une personne est puissante, plus elle est censée répondre par un contre-don de plus haute valeur. On offre aux Dieux le meilleur car on attend en retour des dons inestimables : pluie, bonnes récoltes, victoire, paix, prospérité, santé... Le sacrifice étant échange, il est partage... Il est accompagné du repas sacrificiel où la victime est consommée entre Hommes et Dieux.
Le sacrifice et une sorte de frontière où hommes et dieux se rencontrent.
Dans la Bible, en Grèce, à Rome, entre tuer un animal pour la boucherie ou le sacrifier, il n’y n'a pas de différences, la manière de le mettre à mort est toujours sacrificielle. L’offrande sanglante va s’identifier peu à peu au mot sacrifice. Cela peut concerner comme dans beaucoup de civilisations des animaux ( monde gréco-latin, monde hébreu, Orients .. ) mais aussi des êtres humains.
2 – SACRIFICES HUMAINS
L'origine des sacrifices humains semble remonter au paléolithique inférieur. Selon Vincenzo Formicola, de l'université de Pise, les sites funéraires Sunghir en Russie, de Dolní Věstonice en Moravie et de la grotte Romito en Italie semblent montrer que le sacrifice humain était pratiqué au Paléolithique (Current Anthropology, vol. 48, n°3, Juin 2007).
Le sacrifice humain était considéré comme l’ultime recours dans les situations extrêmes, le sang d'un esclave ou d’un ennemi ayant moins de valeur sacrificielle d'un enfant et a fortiori une fille ou un fils de roi. Quand une société est stable et sans menace à ses frontières elle renonce à ces sacrifices humains qu’elle peut rétablir en cas de situation grave.
Le meurtre rituel semble remonter au paléolithique et paraît lié à un culte des crânes dont le cerveau était consommé au cours d'un banquet rituel mais les témoignages archéologiques sont difficiles à interpréter. L'anthropophagie rituelle constatée par les ethnologues en Océanie, Afrique, Amérique latine et Europe s’en rapproche.
Les sacrifices des prisonniers étaient fréquents dans toutes les civilisations primitives (= premières au sens de arts premiers) ou archaïques, une part de butin – les prisonniers de guerre - est ainsi offerte aux dieux, c’est aussi une façon de s'emparer de la force de l'ennemi.
L’historien romain Tite Live 2 évoque des sacrifices humains à l'occasion de la Guerre contre les Samnites. Ils sont attestés par exemple chez les Gaulois par les découvertes archéologiques de puits sacrificiels.
Les sacrifices humains étaient nombreux dans les civilisations précolombiennes comme les Aztèques qui sacrifiaient des centaines de prisonniers de guerre dont le cœur était arraché pour nourrir le soleil comme le montre le Codex Mendoza. >>>
3 – LE « BOUC EMISSAIRE »
Le sacrifice peut avoir une connotation « martyrielle », c’est le cas du « bouc émissaire »
Un « bouc émissaire » 3 est un individu choisi par son propre groupe pour endosser une responsabilité ou une faute collective.
The Scapegoat (Le bouc émissaire), tableau de William Holman Hunt >>>
Le terme provient de la traduction grecque de « bouc à Azazel » <<<, il porte sur lui tous les péchés d'Israël. 4 La tradition rabbinique définit Azazel comme une vallée désertique hostile, à Alexandrie les traducteurs de la Bible en grec, « la Septante » reprennent l’étymologie « ez ozel » c'est à dire
« bouc en partance » traduit en grec ancien par « apodiopompaíos trágos » et en latin par « caper emissarius ».
Le concept de bouc émissaire implique clairement la notion de sacrifice de substitution que l’on retrouve dans la théologie chrétienne, Jésus dans les Évangiles est l’agneau immolé qui expie les péchés du monde en mourant sur la croix.
En Français, l'expression avec le sens juif apparaît en 1690 dans le dictionnaire de Furetière. Par extension elle a été utilisée dès le 18ème s. à propos d’une personne qui doit porter les fautes des autres. Georges Clemenceau a repris ce sens pour l’affaire Dreyfus : « Tel est le rôle historique de l'affaire Dreyfus. Sur ce bouc émissaire du judaïsme, tous les crimes anciens se trouvent représentativement accumulés. »
Aujourd'hui chez les ethnologues et anthropologues le « bouc émissaire » désigne l'ensemble des rites d'expiation en usage dans une société
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§ ( Article 2) LA DIMENSION GÉOPOLITIQUE DE L’ENFANT-MARTYR : IPHIGENIE
1 – LES SACRIFICES D’ENFANTS DANS LA MYTHOLOGIE GRECO-ROMAINE : LE MYTHE D’IPHIGÉNIE
§ ( Article 3) LA DIMENSION GÉOPOLITIQUE DE L’ENFANT-MARTYR : MOLOCH, JEPHTÉ
2 – LES SACRIFICES D’ENFANTS DANS LA BIBLE, LE CORAN ET LE MOYEN-ORIENT PRÉ -ISLAMIQUE
2.1 – L’INCESTE DE LOTH DANS LA BIBLE ET LES SACRIFICES D’ENFANTS
2.2 – LES SACRIFICES D’ENFANTS DANS LA BIBLE : MOLOCH, JEPHTÉ …..
a. Moloch
b. La fille de Jephté
§ ( Article 4) LA DIMENSION GÉOPOLITIQUE DE L’ENFANT-MARTYR : ISAAC ET ABRAHAM
2.2 – LES SACRIFICES D’ENFANTS DANS LA BIBLE : ABRAHAM ET LE SACRIFICE D’ISAAC
c. Abraham et Isaac
§ ( Article 5) LA DIMENSION GÉOPOLITIQUE DE L’ENFANT-MARTYR : Les « SAINTS INNOCENTS »
2.3 – LES SACRIFICES D’ENFANTS DANS LA BIBLE : LES « SAINTS INNOCENTS »
4 Dans le Livre du Lévitique de la Bible au chapitre 16 : Le chapitre évoque la façon dont Aaron doit pénétrer dans la Tente de la rencontre et les rites d’expiation à mettre en place : « Aaron revêtira une tunique de lin consacrée, il portera à même le corps un caleçon de lin, il se ceindra d'une ceinture de lin, il s'enroulera sur la tête un turban de lin. Ce sont des vêtements sacrés qu'il revêtira après s'être lavé à l'eau.
Il recevra de la communauté des Israélites deux boucs destinés à un sacrifice pour le péché et un bélier pour un holocauste.
Après avoir offert le taureau du sacrifice pour son propre péché et fait le rite d'expiation pour lui et pour sa maison, Aaron prendra ces deux boucs et les placera devant Yahvé à l'entrée de la Tente du Rendez-vous. Il tirera les sorts pour les deux boucs, attribuant un sort à Yahvé et l'autre à Azazel. Aaron offrira le bouc sur lequel est tombé le sort " A Yahvé " et en fera un sacrifice pour le péché. Quant au bouc sur lequel est tombé le sort " A Azazel ", on le placera vivant devant Yahvé pour faire sur lui le rite d'expiation, pour l'envoyer à Azazel dans le désert. Aaron offrira le taureau du sacrifice pour son propre péché, puis il fera le rite d'expiation pour lui et pour sa maison et immolera ce taureau…
Aaron fera ainsi le rite d'expiation sur le sanctuaire pour les impuretés des Israélites, pour leurs transgressions et pour tous leurs péchés la Tente du Rendez-vous qui demeure avec eux au milieu de leurs impuretés… Une fois achevée l'expiation du sanctuaire, de la Tente du Rendez-vous et de l'autel, il fera approcher le bouc encore vivant. Aaron lui posera les deux mains sur la tête et confessera à sa charge toutes les fautes des Israélites, toutes les transgressions et tous leurs péchés. Après en avoir ainsi chargé la tête du bouc, il l'enverra au désert sous la conduite d'un homme qui se tiendra prêt, et le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride. Quand il aura envoyé le bouc au désert, Aaron rentrera dans la Tente du Rendez-vous, retirera les vêtements de lin qu'il avait mis pour entrer au sanctuaire. Il les déposera là, et se lavera le corps avec de l'eau dans un lieu consacré. Puis il reprendra ses vêtements et sortira pour offrir son holocauste et celui du peuple. Il fera le rite d'expiation pour lui et pour le peuple …
Celui qui aura conduit le bouc à Azazel devra nettoyer ses vêtements et se laver le corps avec de l'eau, après quoi il pourra rentrer au camp. Quant au taureau et au bouc offerts en sacrifice pour le péché et dont le sang a été porté dans le sanctuaire pour faire le rite d'expiation, on les emportera hors du camp et l'on brûlera dans un feu leur peau, leur chair et leur fiente. Celui qui les aura brûlés devra nettoyer ses vêtements, se laver le corps avec de l'eau, après quoi il pourra rentrer au camp.
Cela sera pour vous une loi perpétuelle. Au septième mois, le dixième jour du mois, vous jeûnerez, et ne ferez aucun travail, pas plus le citoyen que l'étranger qui réside parmi vous. C'est en effet en ce jour que l'on fera sur vous le rite d'expiation pour vous purifier. Vous serez purs devant Yahvé de tous vos péchés. Ce sera pour vous un repos sabbatique et vous jeûnerez. C'est une loi perpétuelle. .. Cela sera pour vous une loi perpétuelle ; une fois par an se fera sur les Israélites le rite d'expiation pour tous leurs péchés. Et l'on fit comme Yahvé l'avait ordonné à Moïse. »