Le mythe du « crime rituel juif » réactualisé
Le 30 septembre 2000, au carrefour de Netzarim, aux abords de la bande de Gaza, le petit Mohammed Al-Doura était tué par balle par un snipper israélien, dans les bras de son père Jamal, qui tentait de le protéger.
La scène bouleversante de l’agonie de ce jeune garçon filmé par le caméraman Talal Abu Ramah et commentée par Charles Enderlin – dont le version des faits est aujourd'hui remise en cause-, correspondant de France 2 à Jérusalem, fait le tour du monde et dans le contexte du déclenchement de la 2ème Intifada – Guerre des Pierres - provoque l’indignation de l’opinion internationale.
1. Du côté Palestinien le martyr de Mohammed Al-Dura est la démonstration que l’Etat d’Israël est devenu un Etat totalitaire analogue aux Etats fascistes de l’Entre-deux-Guerres.
La mort de M.Al-Dura gomme les persécutions contre les enfants juifs pendant la 2nde Guerre mondiale et notamment l’enfant symbole de Varsovie. Un montage associant les deux enfants s’est répandu sur le net. Les propos d’une journaliste reconnue comme Catherine Nay sur Europe 1 le montrent : «Avec la charge symbolique de cette photo, la mort de Mohammed annule, efface celle de l’enfant juif, les mains en l’air devant les SS, dans le Ghetto de Varsovie. » 1 Enfant-martyr de Palestine, Mohammed Al-Dura : 30 septembre 2000 Ces mots illustrent ce que P.A. Taguieff appelle l’idéologie de la substitution : le « racisme anti-arabe » se substitue au « racisme antijuif » et l’islamophobie à la judéophobie.
Le Hamas a initié une opération d’endoctrinement des jeunes enfants palestiniens autour du thème « les Juifs sont des tueurs d’enfants ». Chaque vendredi après-midi, sur la chaîne satellitaire du Hamas, Al-Aqsa TV, fut diffusée une émission pour enfants, intitulée "Les Pionniers de demain". La star de cette émission, très regardée par les enfants de tout le monde arabe, est une abeille géante nommée Nahoul. Benjamin Barthe, journaliste au Monde présente ainsi cette émission de propagande : « Durant une demi-heure, Nahoul et la jeune présentatrice Saraa interprètent une série de sketches entrecoupés d’interventions de spectateurs par téléphone. Les scénarios mêlent devinettes, conseils pratiques (“Les bienfaits de l’ananas”) et morale familiale (“Pourquoi il faut aimer sa mère”) à une forte dose de propagande islamiste, truffée d’apologie du “martyre” et d’incitation à la haine des “Juifs”. »
2. Du côté juif et israélien : le mythe du « crime rituel juif » réactualisé :
La mort de M.Al Dura est présentée comme un parallèle des prétendus « enfants martyrs chrétiens » qui auraient été depuis le Moyen Age les victimes des soi-disant rites sanguinaires juifs .
2.1. L’historien médiéviste américain, Richard Landes, voit dans l’affaire de « Al Dura martyr », diffusée par les media, la réactivation moderne contre l’Etat d’Israël de l’accusation d’infanticide rituel, le « premier "meurtre rituel" du XXIe siècle ». Cette réactivation se différencie par l’absence de référence à une fête juive (comme la Pâque) ou à des actes de cannibalisme rituel. Par contre elle est très marquée par le « martyrisme » et le culte islamiste du « chahid » (martyr).
2.2. Pierre-André Taguieff - directeur de recherche au CNRS, Paris - dans plusieurs ouvrages comme « la Judéophobie des modernes » 2 chez Odile Jacob ou « la nouvelle Propagande antijuive » aux PUF a analysé la légende du « crime rituel juif ».
La légende antisémite du crime rituel a été esquissée dans le monde antique puis répandue dans l’Europe chrétienne du milieu du 12ème au 15ème siècle créant le prétexte à de multiples massacres de Juifs. 3
La première accusation de crime rituel est mentionnée par Apion, un écrivain égyptien hellénisé du 1er siècle, selon l’historien juif romanisé Flavius Josèphe.
« 93 Il dit, continue Apion, qu'il était Grec, et que, tandis qu'il parcourait la province pour gagner sa vie, il avait été tout à coup saisi par des hommes de race étrangère et conduit dans le temple ; là on l'enferma, on ne le laissait voir de personne, mais on préparait toutes sortes de mets pour l'engraisser. 94 D'abord ce traitement qui lui apportait un bienfait inespéré lui fit plaisir ; puis vint le soupçon, ensuite la terreur ; enfin, en consultant les serviteurs qui l'approchaient, il apprit la loi ineffable des Juifs qui commandait de le nourrir ainsi ; qu'ils pratiquaient cette coutume tous les ans à une époque déterminée ; 95 qu'ils s'emparaient d'un voyageur grec, l'engraissaient pendant une année, puis conduisaient cet homme dans une certaine forêt, où ils le tuaient ; qu'ils sacrifiaient son corps suivant leurs rites, goûtaient ses entrailles et juraient, en immolant le Grec, de rester les ennemis des Grecs ; alors ils jetaient dans un fossé les restes de leur victime. »
Apion vécut sous Tibère, Caligula et Claude, l'étendue de son savoir, mais aussi de ses excès, est attestée par de nombreux témoignages. Il a écrit de nombreux ouvrages d'érudition, notamment une Histoire d'Egypte en 5 livres où il multiplie les attaques contre les juifs. Il joua un rôle actif dans l'agitation antijuive d'Alexandrie sous Caligula. Flavius Josèphe dans son ouvrage« Contre Apion » réfute les thèses de Apion : « Je vais commencer maintenant à réfuter le reste des auteurs qui ont écrit contre nous. Pourtant je me suis près à douter s'il valait la peine de combattre le grammairien Apion; car dans ses écrits, tantôt il répète les mêmes allégations que ses prédécesseurs, tantôt il ajoute de très froides inventions ; le plus souvent ses propos sont purement bouffons et, à dire vrai, témoignent d'une profonde ignorance… » (livre II 2-3). Il dénonce notamment ses « accusations injustes contre les Juifs d'Alexandrie » et au chapitre 8 une « autre légende calomnieuse : le meurtre rituel. » 4
L’accusation n’apparaît plus, même dans les textes opposés aux juifs jusqu’au 12ème siècle.
Le premier cas connu d'accusation de crime rituel au Moyen Âge fut lancée par un moine chrétien en 1144, on parle de l’Affaire de Guillaume de Norwich. Elle ne décrit que la torture et l'agonie de l'enfant, suggérant en outre que la mort de l'enfant n'a été recherchée que dans un seul but de vengeance. Il n'y est fait nulle mention du recueil du sang de Guillaume pour un culte secret.
L’antijudaïsme chrétien médiéval affirma l’existence d’une coutume juive consistant à sacrifier, chaque année, à la veille de la Pâque juive (Pessah) commémorant l’exode d’Égypte , un chrétien, un enfant de préférence, soit en le crucifiant, soit en l’égorgeant pour en recueillir le sang qui aurait servi à fabriquer la matza, le pain azyme consommé pendant la fête. Ce « crime rituel » est donc un infanticide. Ce fait est en contradiction avec la religion judaïque qui interdit le contact et à plus forte raison la consommation du sang, la pureté rituelle interdisait à un prêtre d’être dans la même pièce qu'un cadavre humain.
Les accusations se multiplièrent dans l’Occident chrétien et les disparitions inexpliquées et les meurtres d'enfants sont attribués aux pratiques juives. Thomas de Cantimpré vers 1260 prétend que le sang des chrétiens, notamment celui des enfants, est utilisé par les Juifs pour ses propriétés curatives : « il est tout à fait certain que les Juifs de chaque province tirent au sort annuellement quelle est la communauté ou ville qui enverra le sang chrétien aux autres communautés. » Il prétend en reprenant les propos d’un juif converti ( peut être Nicolas Douin de La Rochelle ) qu’un juif « jouissant de la réputation de prophète, vers la fin de sa vie » a prédit que les hémorragies dont les Juifs souffriraient depuis le temps où ils ont dit à Ponce Pilate « Que son sang soit sur nous, et sur nos enfants » ( Matthieu 27 v.25) ne peuvent être soulagées que par le sang chrétien.
Plusieurs affaires de crime rituel éclatent : en 1255 celle du Petit Saint Hugues de Lincoln âgé de 8 ans et retrouvé mort dans le puits d’un juif de la cité de Lincoln, suite à des aveux de crime rituel obtenus sous la torture, 18 juifs sont exécutés à Londres ; en 1267 au Pays de Bade, une fillette aurait été vendue aux Juifs pas sa mère pour leur crime rituel, en 1270 on trouve des accusations similaires en Alsace, et fin 13ème s. à Berne et Munich, en 1462 à Innsbrück dans le Tyrol, en 1470 en Alsace, en1475 celle Simon de Trente (voir illustration) âgé de 2 ans disparut et on accusa la communauté juive locale, quinze Juifs furent condamnés à mort et brûlés, Simon fut canonisé en 1588 mais déchu de ce statut de saint en 1965 par Paul VI pour défaut de preuves du martyr ; en 1491 en Espagne à Tolède une affaire concernant la disparition d’un enfant de 4 ans mit en cause des juifs convertis au christianisme et conduisit, avec l’appui de l’Inquisition espagnole, à l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492 ; en 1494 et 1529 des affaires éclatent en Slovaquie actuelle, les accusations sont souvent fantaisistes, par exemple on affirmait que les hommes juifs avaient des règles et devaient boire du sang de chrétiens comme remède. À Bösing alors en Hongrie (Bazin, aujourd'hui Pezinok en Slovaquie), les Juifs sont accusés en 1529 d'avoir torturé et saigné à mort un jeune garçon de neuf ans. Trente Juifs avouent leur crime et sont brûlés en place publique. On retrouva le jeune garçon, vivant, à Vienne : son rapt avait en fait été organisé par l'accusateur, le comte Wolf de Bazin pour se débarrasser de ses créanciers juifs. Fin 17ème s. on rencontre des affaires semblables en Biélorussie, un procès a lieu à Metz en 1669, malgré d’effroyables tortures, Raphaël Levy, paisible marchand de bestiaux, continue de proclamer son innocence et la fidélité à sa foi. Il est brûlé vif le 17 janvier 1670.
Toutes ces affaires reprennent des accusations similaires (enlèvement d’un enfant chrétien non pubère, cérémonial sacrificiel de nuit, souvent lors de la Pâque juive, tortures infligées, couronne d’épine, sang s'écoulant des blessures recueilli, enfant achevé d’un coup de lance ..) Les enfants victimes sont présentés comme des martyrs. Ces accusations expliquent les déchaînement de violences contre les quartier ou les ghettos juifs d’Europe (les « pogroms » d’Europe orientale). Ces accusations sont si nombreuses et si souvent injustifiées qu’en Pologne le rois Boleslas IV en 1264 dans une charte signée avec la communauté juive pour assurer sa protection doit préciser « Il est strictement interdit d'accuser les Juifs de boire du sang humain. Cependant, si un Juif est accusé du meurtre d'un enfant chrétien, cette accusation devra être prouvée par le témoignage de trois Chrétiens et de trois Juifs avant que la condamnation du Juif puisse être prononcée. Néanmoins, si ces témoins prouvent l'innocence du Juif, le dénonciateur subira le châtiment qu'eut subi le Juif. » A plusieurs reprises les papes ont condamné ces accusations de « crime rituel » : Innocent IV dans une lettre puis une bulle pontificale en 1253, suivie des bulles semblables de Grégoire X en 1272, Martin V en 1422 et Paul III en 1540.
Aux 18 et 19èmes siècles s’est élaboré le mythe moderne du crime rituel. Il a servi de base à l’une des facettes de l’antisémitisme contemporain présentant le Juif comme criminel-né, selon l’expression nazie un « criminel héréditaire ».
En 1882 à Tiszaeszlár en Hongrie suite à la disparition d'Eszter Solymosi >, une jeune chrétienne de 14 ans, des Juifs sont accusés et jugés pour crime rituel. Une vague d'agitation antisémite gagna tout le pays qui redoubla après l'annonce de l'acquittement. Le héros national Kossuth, exilé à Turin, critique le gouvernement hongrois pour son implication dans ces troubles antisémites qu’il considère comme indigne d'une nation civilisée. En 1899 en Bohême alors austro-hongroise éclata l’Affaire Léopold Hilsner, vagabond juif accusé d'avoir tué une jeune chrétienne de 19 ans, Anežka Hrůzová, en lui tailladant la gorge. Malgré des preuves très incomplètes il fut condamné à mort et ultérieurement accusé du meurtre non élucidé, d'une autre chrétienne. En 1901 la sentence fut commuée en prison à vie. Tomas Masaryk, futur président de la Tchécoslovaquie, organisa la défense de l’accusé et on lui en fit plus tard le reproche. Finalement en mars 1918, Hilsner est gracié par l'empereur d'Autriche Charles 1er sans avoir été disculpé et sans que les véritables coupables aient été arrêtés. En Ukraine en 1911 à Kiev , le surintendant juif d'une fabrique de briques, < Mendel Beilis, est accusé d'avoir saigné un jeune chrétien pour préparer des matzot (pains azymes) avec son sang. Il est acquitté en 1913 lors d’un procès à sensation par un jury formé entièrement de chrétiens.
Les Etats Unis furent aussi concernés, en 1913, Leo Frank >, directeur juif d'une fabrique de crayons à Atlanta en Géorgie est accusé du viol et du meurtre de Mary Phagan âgée de 12 ans. Bien que l'aspect rituel soit absent de l'accusation, une violente campagne de presse le décrit comme pervers et sadique. Frank est gracié par le gouverneur en 1915 mais un groupe qui donna ensuite naissance au second Ku Klux Klan – le 1er qui était né à la suite de la Guerre de Sécession avait été dissous par le gouvernement fédéral dans les années 1870 - s’empara du prisonnier qui fut lynché aux cris de « Hang the Jew » comme de nombreuses autres personnes à la suite des tensions racistes et politiques en Géorgie.
L’abbé Henri Desportes, en 1889, dans son livre Le Mystère du Sang chez les Juifs de tous les temps, décrit un meurtre rituel ordinaire, expression des « turpitudes talmudiques » : « Un pauvre petit enfant chrétien se débat dans les affres d’une mort horrible, entouré des instruments de la passion, au milieu du ricanement des bourreaux ! »
Plus tard, en 1914, Édouard Drumont 5 avance une explication racialiste de cette soi-disant criminalité juive : « L’existence du peuple d’Israël n’est qu’une lutte constante contre l’instinct de la race,l’instinct sémitique qui attire les Hébreux vers Moloch, le dieu mangeur d’enfants, vers les monstrueuses idoles phéniciennes. » La conclusion se veut claire : chez les Juifs, le crime rituel est dans le « sang de la race. »
En 1946, en Pologne à Kielce, des juifs survivants de la Shoah voulurent récupérer leurs terres et biens spoliés pendant la guerre. La réponse fut une accusation de meurtre rituel et un pogrom qui empêchèrent cette restitution. Encore en 2005 en Russie une vingtaine de membres – issus de partis ultra-nationalistes et du Parti Communiste - de la Douma, l’assemblée de l’'État russe accusent publiquement les juifs d'être extrémistes et d'être « antichrétiens et inhumains avec des pratiques allant jusqu'au meurtre rituel » et demandent au procureur général de Russie « d'interdire toutes les organisations juives ». En mars 2008 « des centaines de posters antisémites ont été placardés dans la ville de Novosibirsk au sud-ouest de la Sibérie et mettent en garde les parents contre les Juifs qui trempent les matzot dans le sang d’enfants ».
Selon l’historien britannique Walter Laqueur – « La Face changeante de l’Antisémitisme » 2006 - « En tout, environ 150 cas d'accusations de crimes rituels ont été répertoriés (sans compter les milliers de rumeurs) qui ont conduit à l'arrestation et au meurtre de Juifs, la plupart durant le Moyen Âge. Dans la majorité des cas, des Juifs étaient tués soit par la foule, soit après un procès précédé de tortures.»
Ce mythe d’origine européenne et chrétienne a été introduit au 19ème siècle au Moyen-Orient à la suite de « l’Affaire de Damas » en 1840, les enfants « martyrs » chrétiens ont été remplacés par des enfants musulmans. A Damas le frère Tomasso et son serviteur sont retrouvés assassinés, le consul de France à Damas en accuse les Juifs. Les suspects, dont les confessions sont obtenues sous la torture, sont libérés à la suite de l'intervention Méhémet Ali sollicitée par une délégation juive. La même année, dans l’île de Rhodes alors rattachée à l’Empire ottoman des Juifs sont accusés du meurtre d'un garçon chrétien avec soutien du gouverneur local et des consuls européens. Plusieurs Juifs sont arrêtés et torturés. Le quartier juif est bouclé 12 jours mais l’enquête menée par le gouvernement central ottoman démontra l'innocence des Juifs. En 1910 à Chiraz en Iran un pogrom contre les Juifs de la ville éclate faisant 12 morts à la suite d’une accusation de crime rituel, les accusateurs et la victime sont musulmans.
Après 1947 et la création de l’État d’Israël, ce mythe a été alimenté par les « massacres » attribués aux « sionistes » comme la tuerie de Deir Yassin, le 9 avril 1948. Aussi continue-t-on en certaines partie du monde à répandre la légende du « crime rituel juif ». Elle continue à être internationalement un thème d’accusation contre l’État d’Israël et les « sionistes » souvent présentés comme « criminels » par nature comme le montre le slogan fréquemment entendu : « Sionistes, assassins ! ». Des caricatures courantes dans les pays arabes représentaient le Premier Ministre Ariel Sharon en vampire, les yeux injectés de sang, buvant du sang arabe, ou en ogre > dévorant un ou plusieurs enfants Palestiniens. Les discours de propagande « antisioniste » présentent l’armée israélienne comme une bande de tueurs assoiffés de « sang palestinien », et plus particulièrement de tueurs d’enfants palestiniens, prenant plaisir à les tirer « comme des lapins ».
En 1986, le ministre syrien de la défense, Moustafa Tlas, dans un livre rappelle l’accusation de meurtre rituel dans l’Affaire de Damas en 1840. Le livre fut même cité à l’ONU par le délégué syrien. En 2002 un journal saoudien évoquait les « crimes rituels » juifs. En 2005 une émission à la TV iranienne évoque des "faits horribles" dont ont été coupables des juifs dans le passé.
Ré-interprétation du « crime rituel » une rumeur reprise par la TV iranienne circulait en Iran en 2004 assurant que des médecins juifs prélevaient les organes des enfants palestiniens blessés ou tués dans les hôpitaux israéliens. .
P.A. Taguieff explique comment on est passé de l’amalgame « sionisme = racisme » à l’équation « sionisme = palestinocide », ce dernier étant présenté comme un infanticide. Le « sionisme » est présenté comme une entreprise génocidaire. Les Palestiniens deviennent des symboles des pauvres, des humiliés et des offensés, des victimes de « l’impérialisme d’Israël » ou du « complot américano-sioniste » mondial, ils sont en quelque sorte « les enfants- martyrs » de l’humanité..
3. Le culte islamiste du « chahid » (martyr) 6.
Dans l'islam, la taqiya autorise la dissimulation de sa foi pour échapper au danger, aussi la possibilité de se trouver dans la position du martyr chrétien est très réduite.
Par contre, à la différence de la conception chrétienne, le combattant de la Guerre sainte, le jihadiste tué au combat est un martyr. Pour les chiites, les grands martyrs sont Ali, le gendre de Mahomet, époux de Fatima, quatrième calife, assassiné par les Kharijites en 661 et son fils Husayn tué à Kerbala en 680 dans la bataille contre le calife Yazid 1er.
Les auteurs d’attentats-suicides sont-ils des martyrs ? Certains savants musulmans comme Mohammad Hussein Fadlallah, intellectuel du Hezbollah, répondent par la négative car le suicide est interdit dans l'islam. Ils distinguent le combattant-soldat défendant sa terre ou une idée, et le terroriste qui se suicide en semant la terreur à grande échelle pour imposer ses idées par la force.
Cependant certaines fatwas affirment le contraire, les combattants tués durant la Guerre Sainte ou Jihâd sont considérés comme des martyrs auxquels le Paradis est promis : « Que ceux qui veulent échanger la vie présente contre celle de l'au-delà combattent dans le chemin de Dieu ! Qu'ils succombent ou qu'ils soient vainqueurs, Nous leur accorderons une généreuse récompense. » Le Coran IV 747. C’est ce que montre le nom de la branche armée du Fatah, les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa.
L’exaltation du martyre (shahadat ) 8 est un trait original du Chi‘isme duodécimain ; elle a son origine dans le récit de la mort atroce du troisième imâm des Chi‘ites, Hoseyn, tué dans des circonstances atroces par les troupes du calife omayyade Yazid, en 680, à Karbala (dans l’actuel Irak). La commémoration annuelle du supplice du « prince des martyrs » (seyyed al-shohada ) donne lieu à des processions de pénitents se flagellant avec des chaînes ou se meurtrissant le cuir chevelu avec une épée ou un sabre afin d’obtenir l’intercession du « prince des martyrs » et d’accéder ainsi, le jour de leur mort, au « jardin » (paradis). « Cette tradition martyriste et les rituels qui lui correspondent, véritable ciment de la culture populaire, ont constitué l’armature symbolique et organisationnelle des événements révolutionnaires. Le mythe de Karbala – opposant les bourreaux aux victimes, exaltant le sacrifice de soi – a été tout à la fois une grille de lecture de la réalité socio-politique et un modèle d’action pour la lutte : dans les discours des leaders religieux, comme dans les slogans des manifestants, les protagonistes du « drame » révolutionnaire étaient identifiés à ceux du drame de Karbala (le shah à Yazid, les martyrs à Hoseyn...). On se souvient que, le « vendredi noir » (8 septembre 1978), des jeunes gens présentèrent leur poitrine nue aux balles des militaires, se sacrifiant à l’image de Hoseyn. Notons enfin que les grandes manifestations qui entraînèrent le départ du shah épousèrent la forme et le rythme des processions rituelles traditionnelles (organisation, posture des participants, rythme des pas et des slogans) ; elles culminèrent au mois de moharram (nov.-déc. 1978). »8
Depuis l’établissement de la République islamique en Iran, le martyrisme reste un fort moyen de mobilisation et de légitimation du nouveau pouvoir islamiste. Le langage révolutionnaire fait sans cesse référence à Karbala : « Chaque jour est ‘ashura et chaque lieu est Karbala » selon un slogan officiel. L’imam, Ali Khamene‘i blessé lors d’un attentat est surnommé shahid-e zande (« martyr vivant ») ; dans les métropoles régionales la Fondation des martyrs organise des expositions rassemblant photos, objets personnels et témoignages divers, distribue des logements, de l’argent, des privilèges aux familles des victimes des émeutes révolutionnaires contre le Shah ou de la guerre contre l’Irak (1980-1988) - pendant laquelle ont eu lieu des combats analogues à la Guerre des Tranchées en 1914-1918 nécessitant la mobilisation de dizaines de milliers de jeunes et très jeunes fantassins galvanisés par l’idéologie du martyr.
Conclusion :
Alors que la « mort atroce » de l’enfant « martyr », tué par les « sionistes », est devenue une légende, un objet de culte dans les pays arabo-musulmans. Pierre-André Taguieff compare ce phénomène de « buzz » médiatique à celui de Che Guevara, avec aussi les mêmes implications commerciales ; Stéphane Juffa, fondateur et directeur de Metula News Agency, affirme au contraire : « Cet incident est devenu la plus grande mise en scène de l’actualité de tous les temps, depuis qu’existe la télévision. Je ne sais pas qui a tiré sur Mohammed Al-Dura, et aujourd'hui encore, je l'ignore, et je ne sais pas si on le saura un jour. Mais je sais qui n’a pas tiré sur lui : les soldats de cette position israélienne n’ont pas tiré sur l’enfant. »
Le débat reste ouvert et le net foisonne d’interprétations contradictoires.
La suite de la réflexion :
Enfant-martyr de Palestine, Mohammed Al-Dura : 30 septembre
2000
1 http://www.hgsavinagiac.com/article-enfant-martyr-de-palestine-mohammed-al-dura-30-septembre-2000-119447309.html
3 http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/Apion2.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Flavius_Jos%C3%A8phe
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Accusation_de_crime_rituel_contre_les_Juifs&oldid=93460874
4 Accusations injustes contre les Juifs d'Alexandrie.
VIII - Autre légende calomnieuse : le meurtre rituel.
89 Il raconte encore, d'après les Grecs, une autre fable pleine de malice à notre adresse. Là-dessus, il suffira de dire que, quand on ose parler de piété, on ne doit pas ignorer qu'il y a moins d'impureté à violer l'enceinte d'un temple qu'à en calomnier les prêtres. 90 Mais ces auteurs se sont appliqués plutôt à défendre un roi sacrilège qu'à raconter des faits exacts et véridiques sur nous et sur le temple. Dans le désir de défendre Antiochus et de couvrir la déloyauté et le sacrilège qu'il a commis envers notre race par besoin d'argent, ils ont encore inventé sur notre compte la calomnie qu'on va lire. 91 Apion s'est fait le porte-parole des autres : il prétend qu'Antiochus trouva dans le temple un lit sur lequel un homme était couché, et devant lui une table chargée de mets, poissons, animaux terrestres, volatiles. L'homme restait frappé de stupeur. 92 Bientôt il salua avec un geste d'adoration l'entrée du roi comme si elle lui apportait le salut ; tombant à ses genoux, il étendit la main droite et demanda la liberté. Le roi lui dit de se rassurer, de lui raconter qui il était, pourquoi il habitait ce lieu, ce que signifiait cette nourriture. L'homme, alors, avec des gémissements et des larmes, lui raconta d'un ton lamentable son malheur. 93 Il dit, continue Apion, qu'il était Grec, et que, tandis qu'il parcourait la province pour gagner sa vie, il avait été tout à coup saisi par des hommes de race étrangère et conduit dans le temple ; là on l'enferma, on ne le laissait voir de personne, mais on préparait toutes sortes de mets pour l'engraisser. 94 D'abord ce traitement qui lui apportait un bienfait inespéré lui fit plaisir ; puis vint le soupçon, ensuite la terreur ; enfin, en consultant les serviteurs qui l'approchaient, il apprit la loi ineffable des Juifs qui commandait de le nourrir ainsi ; qu'ils pratiquaient cette coutume tous les ans à une époque déterminée ; 95 qu'ils s'emparaient d'un voyageur grec, l'engraissaient pendant une année, puis conduisaient cet homme dans une certaine forêt, où ils le tuaient ; qu'ils sacrifiaient son corps suivant leurs rites, goûtaient ses entrailles et juraient, en immolant le Grec, de rester les ennemis des Grecs ; alors ils jetaient dans un fossé les restes de leur victime. 96 Enfin, rapporte Apion, il dit que peu de jours seulement lui restaient à vivre, et supplia le roi, par pudeur pour les dieux de la Grèce et pour déjouer les embûches des Juifs contre sa race, de le délivrer des maux qui le menaçaient. 97 Une telle fable non seulement est pleine de tous les procédés dramatiques, mais encore elle déborde d'une cruelle impudence. Cependant elle n'absout pas Antiochus du sacrilège, comme l'ont imaginé ceux qui l'ont racontée en sa faveur. 98 En effet, ce n'est pas parce qu'il prévoyait cette horreur qu'il est venu au temple, mais, selon leur propre récit, il l'a rencontrée sans s'y attendre. Il fut donc en tout cas volontairement injuste et impie et athée, quel que soit l'excès du mensonge que les faits eux-mêmes montrent facilement. 99 En effet, les Grecs ne sont pas seuls, comme on sait, à avoir des lois en désaccord avec les nôtres; mais il y a surtout les Égyptiens et beaucoup d'autres peuples. Or, quel est celui de ces peuples dont les citoyens n'aient jamais eu à voyager chez nous ? Et pourquoi dès lors, par un complot sans cesse renouvelé, aurions-nous besoin, pour les Grecs seuls, de verser le sang ? 100 Et puis comment se peut-il que tous les Juifs se soient réunis pour partager cette victime annuelle et que les entrailles d'un seul aient suffi à tant de milliers d'hommes, comme le dit Apion ? Et pourquoi, après avoir découvert cet homme quel qu'il fût, Apion n'a-t-il pu enregistrer son nom[i]? 101 ou comment le roi ne l'a-t-il pas ramené dans sa patrie en grande pompe, alors qu'il pouvait par ce procédé se donner à lui-même une grande réputation de piété et de rare philhellénisme, tout en s'assurant de tous, contre la haine des Juifs, de puissants secours ? 102 Mais passons: il faut réfuter les insensés non par des raisons, mais par des faits. Tous ceux qui ont vu la construction de notre temple savent ce qu'il était, connaissent les barrières infranchissables qui défendaient sa pureté. 103 Il comprenait quatre portiques concentriques dont chacun avait une garde particulière suivant la loi. C'est ainsi que, dans le portique extérieur tout le monde avait droit d'entrer, même les étrangers ; seules les femmes pendant leur impureté mensuelle s'en voyaient interdire le passage. 104 Dans le second entraient tous les Juifs et leurs femmes, quand elles étaient pures de toutes souillures; dans le troisième les Juifs mâles, sans tache et purifiés ; dans le quatrième les prêtres revêtus de leurs robes sacerdotales. Quant au saint des saints, les chefs des prêtres y pénétraient seuls, drapés dans le vêtement qui leur est propre. 105 Le culte a été réglé d'avance si soigneusement dans tous ses détails qu'on a fixé certaines heures pour l'entrée des prêtres. En effet, le matin dès l'ouverture du temple, il leur fallait entrer pour faire les sacrifices traditionnels, puis de nouveau à midi jusqu'à la fermeture du temple. 106 Enfin il est défendu de porter dans le temple[i]même un vase ; on n'avait placé à l'intérieur qu'un autel[i], une table, un encensoir, un candélabre, tous objets mentionnés même dans la loi. 107 Il n'y a rien de plus ; il ne s'y passe point de mystères qu'on ne doive pas révéler, et à l'intérieur on ne sert aucun repas. Les détails que je viens de signaler sont attestés par le témoignage de tout le peuple et apparaissent dans les faits. 108 Car, bien qu'il y ait quatre tribus de prêtres[i], et que chacune de ces tribus comprenne plus de cinq mille personnes, cependant ils officient par fractions à des jours déterminés; une lois ces jours passés, d'autres prêtres, leur succédant, viennent aux sacrifices, et, réunis dans le temple au milieu du jour, en reçoivent les clefs de leurs prédécesseurs, ainsi que le compte exact de tous les vases, sans apporter à l'intérieur rien qui serve à la nourriture ou à la boisson. 109 Car il est interdit d'offrir même sur l'autel des objets de ce genre, sauf ceux qu'on prépare pour le sacrifice.
En conséquence que dire d'Apion sinon que, sans examiner ces faits, il a débité des propos incroyables ? Et cela est honteux, car lui, grammairien, ne s'est-il pas engagé à apporter des notions exactes sur l'histoire ? 110 Connaissant la piété observée dans notre temple, il n'en a pas tenu compte, et il a inventé cette fable d'un Grec captif secrètement nourri des mets les plus coûteux et les plus réputés, des esclaves entrant dans l'endroit dont L'accès est interdit même aux plus nobles des Juifs s'ils ne sont pas prêtres. 111 C'est donc une très coupable impiété et un mensonge volontaire destiné à séduire ceux qui n'ont pas voulu examiner la vérité, s'il est vrai qu'en débitant ces crimes et ces mystères, ils ont tenté de nous porter préjudice.
5 En 1886 le publiciste Édouard Drumont publia son pamphlet, La France juive , rassemblant tous les griefs de la petite bourgeoisie cléricale contre les juifs. L’ouvrage parut à l’heure où déferlait la vague nationaliste du boulangisme et il connut un énorme succès marqué par des éditions multiples (50 000 exemplaires la première année et près de 200 rééditions jusqu'à la guerre de 1914). Il développe le thème de la responsabilité des Juifs dans la misère des travailleurs. Il a unifié dans une perspective historique – sociale, religieuse, politique – les trois sources principales des passions anti-juives : l'antisémitisme chrétien, l'anti-capitalisme populaire et le racisme moderne.A travers le mythe juif Drumont amalgame toutes les inquiétudes de son temps : la dégénérescence de la race, la corruption du régime, la crise économique, l'exploitation du peuple par le capitalisme, le déclin des folklores et des traditions. Drumont aura toujours soin de donner à son antisémitisme une allure scientifique. En 1886, se réclamant de Ernest Renan, il systématise le couple Aryen/Sémite , par la suite son discours prendra l'allure de l'abstraction savante : " le juif est un être très particulier, organisé d'une façon distincte de la nôtre, [...] ayant des aptitudes, des conceptions, un cerveau qui le différencient absolument de nous " (Drumont, 1890). L’animosité contre les Juifs est popularisée par les moyens modernes de diffusion : la presse catholique en est le véhicule efficace (La Croix ). Nationalisme et cléricalisme trouvaient un terrain commun : la haine du juif. En 1892 Drumont fonda un quotidien qui ne tarda pas à devenir le journal de tous les bien-pensants : La Libre Parole . Un moment ralenti, le succès de La Libre Parole connut un renouveau avec l’affaire Dreyfus, son directeur devient le porte-drapeau adulé ou détesté d’un antisémitisme et d’un anticapitalisme qui se confondent sans pouvoir édifier vraiment une doctrine. Ainsi l'antisémitisme n'est plus le banal préjugé discriminant qu'il était en 1880 mais à l’aube du 20ème siècle avec Drumont et Barrès, assurant la fusion du boulangisme, du nationalisme et de l'antisémitisme, le mythe antijuif est élevé « à la hauteur d'une idéologie et d'une méthode politique " (Michel Winock, 1990). Ils lui ont même donné un fondement scientifique avec Soury en s’appuyant sur les concepts de Vacher de Lapouge.
7 La Guerre Sainte fut de façon incontestable le fondement de l’expansion historique islamique à partir du VIIIème siècle. Cependant certains théologiens musulmans voient dans la notion de Guerre Sainte une déformation du sens du mot jihad qui serait en fait l’expression du combat spirituel intérieur contre ses défauts, « l’effort contre ses propres passions pour suivre les voies d’Allah ».
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